22 juillet 2022

Ce que la guerre en Ukraine pourrait changer dans le programme d'Entremont Autrement

Cet article ne représente que les opinions de son auteur et pas forcément l'avis d'Entremont Autrement.

C'est peu dire que la guerre en Ukraine déclarée par Vladimir Poutine le 24 février dernier a rebattu les cartes sur le continent européen. Ce qui semblait impossible, c'est-à-dire l'invasion d'un pays européen par un autre état, s'est produit. Une première depuis la Deuxième Guerre! Depuis lors, c'est le grand branle-bas de combat dans les différents états du continent: livraisons d'armes à l'Ukraine, crise énergétique probable, inflation généralisée. Même les si pacifiques Suède et Finlande ont demandé leur adhésion à l'OTAN.

Dans quelle mesure, le mouvement Entremont Autrement a-t-il pris conscience des changements structurels majeurs que nous sommes en train de vivre? S'il ne s'agit pas de remettre en question notre programme politique pour le moment, quels pourraient être quelques inflexions (ou changements de braquet) à effectuer pour faire face aux multiples crises qui se profilent?



ARMEE ET SECURITE
Durant des années, nous avons soutenu une politique de désarmement et de désinvestissement dans l'armée, notamment en refusant des crédits pour l'achat d'avions de combat. L'invasion russe remet en question toute notre doctrine de sécurité:
  • aujourd'hui, il faut imaginer une augmentation des budgets d'armement fédéraux. En ce sens, l'initiative du PS, des Verts et du GSsA contre l'achat de F-35 a du plomb dans l'aile (si vous me passez l'expression).
  • l'interdiction pour nos industries d'exporter des armes dans un pays en guerre doit être interrogée également. Le Conseil fédéral va d'ailleurs étudier un amendement à cette loi.
  • la Suisse collabore déjà avec l'OTAN dans le cadre du Partenariat pour la Paix. Le Conseil fédéral a annoncé un rapprochement avec l'organisation depuis le début de la guerre. Faut-il aller plus loin et participer à la Force de réaction de l'OTAN? Cela ne remettrait d'ailleurs pas forcément en question notre neutralité.
  • La neutralité justement, ne doit-elle pas être redéfinie et adaptée à la situation actuelle? Un rapport particulièrement attendu du Conseil fédéral sur le sujet devrait arriver dans le courant de l'été 2022.
  • Il semble aujourd'hui très clair que la Suisse doit intensifier ses investissements dans la cybersécurité: plusieurs attaques contre des collectivités publiques ou institutions ces derniers mois montrent le caractère vulnérable de nos infrastructures. 

RELATIONS AVEC L'UNION EUROPEENNE
Depuis la résiliation des négociations autour d'un accord-cadre en mai 2021, le Conseil fédéral navigue à vue sur ce dossier et n'a proposé aucune réelle stratégie pour améliorer nos relations avec notre principal voisin et partenaire. Cette situation ne peut pas durer.
Pendant ce temps, les 27 membres de l'UE font front commun contre la Russie en prenant des sanctions fortes et se montrent unis face à la menace de crise énergétique. L'époque où l'UE semblait une coquille vide de technocrates bruxellois est révolue: mutualisation des dettes durant la pandémie, mise en place d'un plan de relance à 750 milliards (oui milliards!) d'euros dont une bonne partie sera investie dans la transition écologique, architecture pour une défense européenne commune, sanctions communes contre la Russie, négociation européenne de l'approvisionnement en gaz et en pétrole pour les 27 au lieu de négociations nationales, etc
  • la Suisse compte-elle rester éternellement à l'écart de cette Europe qui bouge et qui se réforme particulièrement vite? Elle a toujours cru que sa force était son autonomie, elle va se rendre compte cet hiver avec la crise énergétique à venir qu'elle a peut-être eu tort. Un vaste débat doit être relancé en Suisse sur une adhésion à l'UE ou au moins sur une signature de l'accord-cadre, à condition que Bruxelles ne se lasse pas de nos atermoiements.

ENERGIE
La menace d'une interruption des livraisons de gaz et de pétrole russe en Europe dès cet automne plane sur les différentes économies du continent. Cela pourrait avoir des conséquences bien concrètes pour nous tous.
  • La fermeture des centrales nucléaires dans le cadre de la stratégie énergétique 2050 doit-elle remise en question? Faut-il retarder l'interruption des moteurs et prolonger de quelques années la vie de ces centrales? Si cette idée répugne à une partie de la gauche, elle ne peut cependant pas être totalement écartée. Il faut par contre renoncer, comme l'on proposé certains partis, à en construire de nouvelles.
  • La privatisation (totale ou partielle) des sociétés énergétiques suisses était une grossière erreur. On se rend compte en situation de guerre à quel point ces structures sont indispensables: elles constituent un patrimoine commun. On a trop souvent dans ce pays étatisé les investissements et privatisé les bénéfices via des dividendes aux actionnaires: cela doit cesser.
  • La transition vers les énergies renouvelables doit être accélérée et devenir même un objectif de sécurité nationale. On voit à quel point, dans le contexte actuel, l'approvisionnement énergétique est crucial. La Suisse doit devenir la plus autonome possible à ce niveau. Cela implique que les collectivités publiques en fassent un objectif prioritaire, notamment en équipant l'ensemble des bâtiments communaux où cela se justifie de panneaux solaires.
  • La sobriété énergétique doit également devenir un enjeu prioritaire, autant en raison de la crise énergétique que de la crise climatique (la canicule de ces derniers jours est venu nous le rappeler). Toutes les communes doivent se doter rapidement de plans d'économies énergétiques en analysant dans le détail tous les secteurs où l'on gaspille actuellement de l'énergie: éclairage public, éclairage commercial, chauffage excessif, etc
  • L'Etat doit davantage aider les particuliers à effectuer cette transition énergétique en débloquant massivement des fonds, notamment sous formes de subventions pour les installations solaires, pompes à chaleur, etc.

Voici quelques questions et quelques propositions pour amender à l'avenir notre programme politique. Les plus grands changements interviennent souvent à l'occasion des crises. Nous pouvons faire en sorte que de cette invasion brutale et injustifiée de l'Ukraine, nous en ressortions avec une Suisse nettement plus forte, plus connectée, plus solidaire et nettement plus écologique. Derrière les crises, il faut parfois savoir repérer les opportunités de réforme.

J. Lovey

4 commentaires:

  1. Cher Josué,
    Tout d'abord merci de nous proposer tes pistes de réflexion, ça c'est bien le rôle d'EA.
    Par contre, permets-moi de n'être d'accord avec à peu près rien de ce que tu as formulé. Je pense que tu fais là exactement ce que M. Poutine attend, c'est à dire céder à la peur et à la panique pour nous faire douter, surtout de l'essentiel et je trouve cela bien triste. Pour rappel, en 2011, lors de notre campagne au National, notre slogan était "la sécurité Autrement". Je t'invite à relire nos arguments de l'époque... Il est clair pour moi que, si au moindre soubresaut de l'Histoire, l'on remet en cause nos valeurs fondamentales, alors EA n'a pas plus de sens que n'importe quel autre parti politique. Et moi je veux encore croire que EA mérite bien mieux que ça. Pour l'instant... Amitiés et sans rancune,
    Antoine

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    1. Cher Antoine,

      Ton commentaire ne me surprend pas, mais j'apprécie que tu suscites le débat, puisque c'est justement la vocation de ce blog et de notre mouvement.

      Je ne crois pas que ce soit "exactement ce que Poutine attend", car:
      - il n'a aucun intérêt à ce que la Suisse renforce ses alliances soit avec l'UE, soit avec l'OTAN.
      - il n'a strictement aucun intérêt à ce que des états deviennent plus indépendants au niveau énergétique.
      Je peine donc à comprendre ton commentaire sur ce point.

      Enfin, il ne s'agit absolument pas d'un quelconque "soubresaut de l'Histoire", mais d'un événement historique de premier plan, sans précédent depuis de nombreuses décennies, et qui a le potentiel de modifier en profondeur l'équilibre international et d'initier des inflexions politiques majeures. Cela va accélérer grandement la transition énergétique du continent européen (ce que nous appelons d'ailleurs de nos voeux depuis longtemps).

      Mais j'en débats volontiers avec toi.

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    2. L'article de Josué, - prudemment annoncé comme n'engageant que lui - a le mérite à mes yeux de mettre un Mouvement comme "Entremont Autrement" dans sa juste position de stimulateur de débat. Ne pas prendre en compte aujourd'hui la tectonique des plaques politiques qui place la guerre en Ukraine, l'accélération du réchauffement climatique et le positionnement de la Suisse face à L'Europe au coeur des questions citoyennes, c'est risquer la mollesse des engagements qui ne dérangent plus ainsi que le glissement vers des combats sans enjeux durables. L'article précité a la sagesse de ne pas conclure et celle d'ouvrir des horizons aux questionnements dont nous serions coupables d'ignorer l'importance capitale. Pour l'Entremont et au-delà. Jean-François Lovey

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  2. Que de choses à dire concernant le contenu de cet article !
    Je me réjouis d'avance d'un futur débat interne sur les sujets évoqués et les questions soulevées. A l'aune des nombreux articles que j'ai déjà eu l'occasion de poster sur ce blog, mes positionnements sur les divers sujets évoqués ne devraient surprendre personne à l'interne ... et rejoindre comme particulièrement souvent ceux d'Antoine.

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