9 septembre 2020

AIR2030 : Le prix de la sécurité

Suite à l'article d'Antoine Wasserfallen contre l'achat de nouveaux avions de combat et à la prise de position de notre comité et de nos élus, nous publions ici, dans une volonté de pluralisme, la réaction d'Alexandre Vautravers, colonel EMG et rédacteur en chef de la Revue militaire suisse.

La sécurité a un prix, certes, qui peut se chiffrer aisément. L’insécurité en revanche a un coût, beaucoup plus élevé et qui peut se révéler très difficile à estimer. Une fois la catastrophe en vue, ce coût est parfois impossible à assumer. La politique de sécurité de la Suisse a pour objectif de trouver le bon équilibre entre les risques et les moyens d’y répondre.

Une police d’assurance ne se calcule pas en fonction des frais administratifs de l’entreprise, ou du prix de la publicité, ou encore des déplacements des ses agents ou vendeurs. Le prix est fonction de ce que l’on veut assurer, protéger ou défendre. Le budget de la défense, quatre milliards de francs annuels ou 0,7% du PIB, est aujourd’hui adéquat pour assurer la protection et l’appui ou l’intervention, en cas d’urgences majeures sur notre territoire. Le renouvellement des forces aériennes se fera dans le cadre du budget ordinaire de l’armée. Il ne coûtera pas plus cher au contribuable helvétique.


L’armée suisse est vouée à demeurer encore longtemps la « réserve stratégique » du pays. Car la police ou la protection civile sont des organisations cantonales. Selon le principe de subsidiarité, c’est dans les mains de l’armée que l’on trouve : les biens logistiques et sanitaires, les troupes spécialisées pour appuyer les organisations « feux bleus » (police, hôpitaux, services techniques), l’aide en cas de catastrophe, sans oublier la police aérienne. Tous ces moyens sont payés et entretenus par le budget ordinaire de l’armée - une organisation constituée d’une centaine de milliers de citoyens-soldats ou de réservistes, encadrée par quelques milliers de professionnels.

Parmi les nombreuses obligations d’un Etat, on trouve celui de protéger sa population et les biens qui s’y trouvent, les évènements qui s’y déroulent. Depuis les années 1990, le nombre de formations de combat de l’armée suisse a été sensiblement réduit : des quelque 200 bataillons de fusiliers de la guerre froide, il ne reste désormais plus que 20 bataillons d’infanterie. Le Conseil fédéral souhaite cependant conserver un « noyau » et des compétences dans le domaine de la défense, au cas où la situation internationale devrait continuer à s’assombrir, ou au cas où il faudrait pouvoir coopérer avec nos voisins. Rappelons que l’on compte aujourd’hui une quarantaine de conflits armés à travers le monde, dont plusieurs aux frontières, voire au sein de l’Europe. La majorité de nos moyens militaires sont désormais orientés vers la protection des infrastructures critiques, des zones urbaines densément peuplées, la résilience de la société et de notre activité économique.

La Suisse est un petit pays, mais un pays qui compte dans les relations internationales. Plus de 177 pays y comptent une, voire plusieurs représentations permanentes. Trente-huit organisations internationales y disposent d’un siège. Et plus de 420 organisations non-gouvernementales y coordonnent leurs opérations à travers le monde. De très nombreuses conférences et rencontres internationales y ont lieu – dans le domaine de la santé, de l’action humanitaire, du droit international, du commerce mondial, de la propriété intellectuelle, de la finance et du développement. Abandonner la souveraineté aérienne signifie condamner, à moyen terme, les bons offices de la Suisse, sa neutralité et sa place privilégiée dans les relations ou le commerce international. Les rencontres, sommets et conférences se tiendront désormais ailleurs, dans des Etats qui assument leurs obligations et sont en mesure d’assurer l’organisation et la sécurité de ces évènements et des diplomates ou des personnalités qui s’y rendent.

La politique de sécurité de la Suisse est neutre, pragmatique, prévoyante, polyvalente. Elle se fonde sur une analyse des risques, l’adaptation à la situation internationale. Elle agit à long terme et investit dans des outils capables d’assurer à long terme la sécurité de la population vivant en Suisse, contre un grand nombre de menaces et dans un grand nombre de scénarios possibles. Notre sécurité requiert la collaboration de nombreux services – des services de santé à la protection civile, en passant par les pompiers. Mais dans les airs, au-delà de la durée de vie de nos F/A-18 en service actuellement, une relève sera nécessaire en 2030. C’est pourquoi le vote du 27 septembre 2020 compte. Le « oui » dans l’urne est le témoin de notre confiance et de notre responsabilité. Il en va de la sécurité à long terme de la Suisse et de sa place dans le monde.

Alexandre Vautravers
Rédacteur en chef, Revue militaire suisse (RMS+), 9.09.2020

1 commentaire:

  1. Le choix Grec ce week-end précisément d'un escadron de douze Rafale confirme les vues tactiques de la position initiale d'EA : si politiquement un achat est imposé par les urnes, alors l'achat devrait être effectué avec intelligence et modération. Comme en Grèce, pays dont les ressources et donc le dépenses sont limitées. Pour un produit très performant. Suivre aussi les options d'extension de l'achat qui suivent les postes de l'article d'Antoine Wasserfallen sur le même sujet publié une semaine avant cette dernière nouvelle.

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