5 septembre 2020

Un petit pays, perdu dans son "air2030"

OPINION
La petite Suisse veut se défendre. Pour rien. Contre personne. Pas d’ennemis. Pas de problèmes. Mais des fantasmes.

Une psychothérapie, oui. Un concept de défense, non.

200 km x 300 km à défendre (deux cents par trois cents kilomètres). Un mouchoir de poche. Parcouru en six minutes … six minutes, deux minutes dans un sens et trois minutes dans l’autre, la moitié, si en vitesse supersonique. Il faudrait en outre des avions encore plus rapides et soi-disant efficaces, pour gagner encore deux petites minutes ?


LE PROBLEME
On avait 34 avions acquis à grand prix entre le prix de base et les options supplémentaires pour plus de quatre milliards de francs (quatre milliards !). Quatre avions de l’achat précédent sont déjà tombés. Avec des Concitoyens morts (parfois deux par appareil). 
Il nous en reste trente. Ils vieillissent.

On veut les remplacer : qui veut ? l’armée suisse. Mais qu’est-ce que l’armée a à dire ? Rien, en fait, elle obéit.

La règle (le dogme) est que nous devons disposer d’une police du ciel suisse (pour deux et trois minutes de surveillance). On se croirait dans un conte de fées. La moitié du territoire si on se dépêche vraiment. Selon la vitesse en fonction du mur du son, mach 2, disons 1,8 avec les nouveaux modèles, économiques qui vont moins vite, tiens on peut ?).

L’armée n’a donc pas à s’exprimer. Elle prendra ce qu’on lui donne.

Ce sont les Affaires étrangères, le Département Fédéral des Affaires Étrangères (DFAE) qui doivent confirmer que c’est réellement une exigence de nos États voisins que nous faisions la police de notre ciel. Sans position des Affaires étrangères la position de l’armée est nulle et non avenue. Oups !

Sans cette position certifiée et réelle la population doit s’opposer.

Parlons "boutique"

LES AVIONS
Côté équipement, les mêmes fautifs, l’armée, qui croit pouvoir choisir toute seule, désire un chèque en blanc. Entre six et vingt-quatre milliards de francs suivant combien on compte et comment on évalue. Dit-elle.

Mais là une seule approximation compte : le calcul de combien d’avions sont vraiment nécessaires. 

Surprise : si on est économe et qu’on achète intelligemment, on peut se contenter de deux avions en patrouille (vous vous rappelez ce pays de deux cents par trois cents kilomètres) ?

Allez, soyons généreux avec notre force de protection, disons quatre appareils à la fois. (Il faudra gérer les croisements.) On pourrait dire deux en vol et deux en réserve par patrouille (4 en tout). 

Pour voler douze heures (12h) de suite, disons trois patrouilles, et on obtient douze (12) avions au total. Rafale avec Dassault (France) par exemple peut vraiment faire voler ces douze avions trente jours (voir leurs sites internet).

Avec toutes les escadrilles on "tient" notre ciel donc au moins trente jours de suite (maîtrise de 30 jours, qui dit mieux ?). Eh oui, c’est possible à peu d’appareils et de frais. On se demande qui fait les calculs dits de "projection".


ANECDOTE
Demandez combien de F/A 18 volent aujourd’hui ou demain, actuellement : davantage que deux à la fois c’est difficile pour l’armée suisse ! … qui tente d’atteindre la couverture intégrale du ciel en fin d’année … Bonne chance, dans un pays où déjà en mars 1990 ‘Le Canard Enchaîné trimestriel se moquait de notre aviation qui demandait à être attaquée les jours de semaine axu heures de bureau’, ce qui est encore le cas jusqu’à la fin de cette année. Quand je vous disais qu’on nous ment.

Peu de gens le savent : mais seule la moitié des F/A18 mondiaux vole actuellement par manque de pièces détachées. L’auteur qui a tenté de mettre sur pied un tel atelier de production de ces pièces en Suisse le sait bien. Pour le budget revisité du nouvel avion de combat, on prendra donc une modeste option de douze appareils supplémentaires à dix pour cent de coût supplémentaire, aux douze appareils de base et on a vingt-quatre appareils en cas de conflits. On sait compter. Eh oui.

LE CHOIX DU MATERIEL
Notre armée a de la peine à choisir, malgré les évaluations publiques et les choix disponibles : pas de problème : là aussi on peut aider. Prenons donc l’avion Rafale (Dassault) de nos voisins français. On échappe à la sphère intercontinentale américaine et on se rapproche d’un voisin bienveillant qui partagera équipements, recherche, développement et industrialisation avec nous. Tout autre choix est a-b-s-u-r-d-e. Absurde, oui. Cet avion français actuel est excellent et nos bienveillants et efficaces voisins développent des programmes d’industrialisation cohérents qui peuvent être partagés (justement en accord compensatoire) avec nous. Dans une langue commune, avec une culture commune, et une vision géopolitique partagée. Des gens comme nous. Vraiment.

LES COUTS
Ici c’est le discount. Si on n’achète que douze avions Rafale de base entre les prix du marché indien ou égyptien (prix des marchés actuels de l’appareil) on s’en sort à un milliard de francs (plus ou moins dix pour cent). Les douze unités en discount et leasing de plus à dix pour cent de leur prix (car en option). Total : 1,2 mia maximum. Le cinquième du prix d’achat de l’armée, et le coût de maintenance le plus bas du monde (oui, l’armée française optimise les coûts de navigation). Total : je le répéte, car on nous a rebattu les oreilles des quatre à six milliard d’achat, 1,2 mia au lieu des quatre à cinq milliards supplémentaires, pour une excellente efficacité. On nous a encore menti. (En dénigrant des voisins.)

COMPENSATION
On (la Confédération par l’armée) nous dit que ces programmes sont compensés par des achats identiques auprès de nos industries : eh bien avec les Américains cela n’a pas marché à plus de 70-75% en général. Même moins. Et avec un fort déséquilibre contre la Suisse romande ou italienne. Même le Contrôle fédéral des finances a constaté une vraie gabegie dans ce domaine.

CONCLUSION
Non à cet achat. Le message est biaisé. Les priorités politiques ne sont pas fixées par le bon département fédéral. Le budget est quintuplé. Il ne reste plus qu’à s’opposer … et au pire freiner aux quatre fers pour obtenir le choix continental avec la France en cas de défaite aux urnes. 

PS: Lors de la défaite (éventuelle) aux urnes le prochain article expliquera pourquoi l’absurde ou ridicule F35 ou le lourd Eurofighter ne font (justement) pas le poids face au Rafale. Nous, les alternatifs, les Verts, en politique, on s’adapte. Oui, on peut. Et en outre cela coûte beaucoup moins cher. Des milliards. Excusez du peu !

Antoine Wasserfallen, professeur, docteur ès sciences techniques EPFL, ancien consultant pour le groupe de compensation du programme d’armement de l’avion F/A 18

1 commentaire:

  1. Le choix Grec ce week-end précisément d'un escadron de douze Rafale confirme les vues tactiques de cet article : si politiquement un achat est imposé par les urnes, alors l'achat devrait être effectué avec intelligence et modération. Comme en Grèce, pays dont les ressources et donc le dépenses sont limitées. Pour un produit très performant. Suivre aussi les options d'extension de l'achat qui suivent les postes de cet article publié une semaine avant cette dernière nouvelle.

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