Le 27 septembre 2020 le peuple suisse est appelé à voter sur la révision partielle de la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages. Une fois encore ce débat enflammé me touche et m’amène à écrire quelques mots.
Premier constat, la loi actuelle légiférant la chasse date de 1985, période durant laquelle plus aucun loup ne vivait en Suisse. Avec le retour de l’animal dès 1995 puis des premières meutes dès 2012, notre pays compte aujourd’hui près de 80 loups, principalement dans notre canton. En plus de parcourir nos forêts, le loup tue. Il tue pour se nourrir, mais pas seulement, et laisse malheureusement derrière les traces de son funeste passage, des paysannes et paysans en colère, découragés et fatigués. Ces mêmes femmes et hommes qui travaillent tous les jours, dimanches compris, dans des conditions difficiles pour entretenir nos paysages.
Dès lors, l’animal alimente les débats politiques ou de bistrots, contribuant également à nous monter les uns contre les autres. D’un côté les éleveurs ou chasseurs sans cœurs et sans scrupules, prêts à tuer par soif de victoire et de virilité ; de l’autre les défenseurs bourgeois, écolo-bobo-romantico, d’une nature dans laquelle ils ne vivent pas. Des discussions sourdes, des éleveurs et éleveuses en à bout de nerfs, des citadins ravis de leurs balades alpines du week-end, rien ne semblait pouvoir un jour rallier les deux camps. Jusqu’à cette proposition de révision partielle de la loi fédérale qui définit les animaux sauvages protégés, les espaces animales pouvant être chassées et les périodes de protection. « Enfin ! », ai-je pensé, enfin un équilibre entre préservation et protection.
Concrètement, cette nouvelle loi apporte les ajustements suivants :
- Les cantons seront obligés de tenir compte des principes du développement durable et des exigences de la protection des animaux lorsqu’ils réglementent et organisent la chasse.
- Douze espèces de canards sauvages seront désormais protégées de la chasse. De plus, la période de protection de la bécasse des bois est plus longue.
- Sur le plan national, environ 300 voies de liaison naturelle des animaux sauvages seront protégés pour ainsi restés connectés. Des ponts et des passages souterrains seront construits pour les animaux aux abords des voies de chemin de fer et des routes.
- La Confédération participera financièrement davantage à la surveillance cantonale de la faune.
- Les agriculteurs devront ériger des clôtures respectueuses de la faune sauvage.
Globalement, nous pouvons donc à mon sens considérer que ces propositions sont bien des améliorations d’une vieille loi complètement obsolète.
Seulement voilà, reste le débat éternel du loup. En ce sens, voici les modifications proposées :
- Ce sont les cantons qui pourront désormais décider de faire abattre les membres d’une meute avant que des dégâts ne soient causés. Cet abattage est évidemment soumis à plusieurs conditions : le canton devra agir de manière proportionnée et ne pourront pas intervenir dans une meute qui reste éloignée des troupeaux et des villages. De plus, il devra justifier au préalable la nécessité de ces tirs auprès de la Confédération.
- Le loup demeure une espèce protégée et les meutes seront conservées. La Confédération et les associations de protection de la nature pourront toujours recourir contre une décision cantonale d’abattage.
- En ce qui concerne les loups solitaires et comme c’est déjà le cas aujourd’hui, le canton peut autoriser le tir d’un loup solitaire lorsque des dégâts sont occasionnés en dépit de mesures de protection des troupeaux de moutons et de chèvres. Dorénavant, il pourra également autoriser l’abattage d’un loup solitaire lorsque ceux-ci présentent un comportement attirant l’attention (intrusion dans une bergerie ou vagabondage sans crainte dans un village par exemple).
- Enfin, la loi révisée renforce les obligations des agriculteurs et agricultrices en matière de protection des troupeaux. Pour qu’une indemnisation soit versée pour les chèvres et les moutons tués, il faudra que les animaux soient protégés par un chien ou une clôture.
Si l’on sort du strict débat émotionnel, on peut se rendre compte que cette loi se lit comme un dialogue entre deux mondes opposés. D’un côté il s’agira de protéger les éleveurs et éleveuses dans leur travail et d’un autre de les responsabiliser et de tout mettre en œuvre pour assurer la protection de leurs animaux. Pourrait-on trouver meilleure alternative ?
Reste le dernier argument des opposants : « nous ne devons pas vouloir maitriser et dominer la nature ». Mais la maitriser et la dominer ont deux significations complètement opposées. Les hommes et les femmes qui y vivent et y travaillent tous les jours sont les premiers conscients qu’on ne la domine pas, bien plus que de nombreux citadins laissant trainer leurs ordures après leur pique-nique. En revanche il est important pour eux de pouvoir continuer à travailler dans des conditions dignes. Leur labeur demande plus de passion et de respect pour la nature qu’on ne peut imaginer, à nous de respecter leur travail.
Je voterai donc OUI à cette nouvelle loi sur la chasse car elle répond concrètement à cette guerre d’usure qui dure depuis bien trop longtemps dans notre canton. Elle est juste et appropriée à la situation actuelle, elle est adaptée à la nature et non aux égos. Elle définit un juste milieu, un équilibre précieux entre l’environnement ainsi que les hommes et les femmes qui font un travail de fou pour en prendre soin, et c’est bien tout ce qui compte.
Roxanne Di Blasi Giroud
Qui a peur du grand méchant loup ?
RépondreSupprimerPas moi, pas moi, pas moi...
Bravo pour cet article!
RépondreSupprimerBravo et merci pour cet article
RépondreSupprimerNON à cette loi inique.
RépondreSupprimerDelphine Klopfenstein Broggini explique très bien pourquoi vous avez parrfaitement tort, Mme Giroud.
Alors que l’Europe entrait en confinement au début du printemps, la nature, débridée, libérait ses animaux sauvages. N’a-t-on pas vu, avec émotion, des sangliers se promener dans les rues de Barcelone ou des cygnes glisser sur les eaux de la lagune vénitienne ? Ce sont des mêmes animaux ou presque dont on reparle aujourd’hui. Le 27 septembre prochain, la population suisse devra en effet se prononcer sur la révision de la loi sur la chasse. Un intitulé court et qui porte bien son nom. En quelques années de débats, nous sommes passés d’une loi rédigée pour la protection des animaux sauvages à une loi qui les traque. De son nom complet, la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages est devenue une loi d’abattage.
Dans sa nouvelle mouture, la loi permet au Conseil fédéral, en tout temps et sans l’avis du Parlement ou du peuple, d’étendre la liste des espèces « régulables ». Les animaux ciblés par de nouveaux tirs seraient le lynx, le castor, la loutre, le héron cendré ou le canard harle bièvre. Les espèces menacées sont par ailleurs toujours sujettes à la chasse, comme le coq de Bruyère, la perdrix des neiges ou la bécasse des bois, ce bel oiseau, dont le plumage ressemble à des écailles, pro du camouflage et qui, tapis au sol, saura peut-être échapper aux chasseurs !
Le principe du tir préventif surgit aussi de la loi. Des dégâts ne sont plus requis pour réguler une population. Autrement dit, on est dans l’anticipation et la probabilité de causer des dommages, avec une marge d’interprétation et d’évaluation. Cela d’autant plus que les cantons sont désormais seuls à bord pour décider de l’abattage ou non : les animaux sont en proie à l’appréciation cantonale, plus perméable aux groupes de pressions locaux.
Et le loup dans tout cela ? Cet animal de légende, entre peur et divination, est aussi l’animal qui régule naturellement les ongulés, comme les cerfs, les chevreuils ou les sangliers, permettant à la forêt de mieux se renouveler. Pour le tenir éloigné des moutons, les chiens de protection des troupeaux jouent un rôle central.
Pour respecter les animaux sauvages, assurer leur diversité mais aussi protéger les forêts de montagne, il faut refuser cette loi. Ce débat devrait aussi nourrir la réflexion sur notre rapport au sauvage et à cette idée immuable de vouloir toujours domestiquer le monde.
Michel, en ce qui concerne la protection des troupeaux, je ne peux que vous donner tort. Non seulement les chiens de protection ne jouent pas un rôle central, comme vous dites, mais ils ne servent à rien dans nos régions peuplées et très touristiques, sur des alpages abruptes et de petites dimensions ou dans des parcs à proximité des habitations. En France, malgré des territoires beaucoup plus vastes, ça ne marche pas non plus.
SupprimerPratiquement tous les éleveurs de la région ont essayé de prendre des chiens de protection, et ils ont tous abandonné (inefficacité ou dangerosité de certains chiens, impossibilité de cohabitation avec les touristes et leurs chiens, avec le voisinage, coûts et contraintes très élevés...). Savez-vous qu'un chien ne peut protéger que 100 moutons, et encore faut-il que ce soit un bon chien ? Pour un troupeau de 600 moutons, je vous laisse faire le calcul et imaginer les problèmes ...
Cessez donc de répéter inlassablement les fadaises assénées par les défenseurs du loup depuis 25 ans. La plupart étant emplis de mauvaise foi, puisqu'ils savent pertinemment que les chiens ne fonctionnent pas dans nos régions alpines.
Et ne craignez rien Michel, si la révision de la Loi passe, nos chasseurs ne vont pas se mettre à tirer sur tout ce qui bouge. Relisez l'article de Roxane, elle explique bien les contraintes auxquelles ils seront tenus. Et puis, figurez-vous que les défenseurs du loup ne sont pas les seuls à aimer la nature et les animaux sauvages. Il y a longtemps que les populations de montagne et les paysans font bon ménage avec une nature qu'ils aiment par dessus tout.
@Michel
RépondreSupprimerSachez que nous n'avons que faire de l'avis d'une citadine verte. Les loups n'ont rien à faire dans nos vallées à proximité de nos habitatios. Occupé vous de vos boite de nuit, nous nous occupons de purifier notre habitat de sa présence malfaisante.
ABE
Estimé monsieur ou madame Besson. Quelle que soit votre position, veuillez préserver les conditions d'un dialogue courtois. Merci.
SupprimerBravo pour cet excellent article !
RépondreSupprimerNos moutons ayant été attaqués à de multiples reprises, la première fois en 1995 (par le premier loup arrivé en Suisse ...), et connaissant donc bien le cauchemar que vivent les éleveurs et les bergers lors de ces attaques, je ne peux que vous encourager tous à voter OUI à cette révision de la Loi sur la chasse, révision d'ailleurs plus que pondérée ...
Il est en effet primordial pour les cantons d'avoir plus de pouvoir pour gérer la présence du loup, étant donné les spécificités de chaque canton dans cette problématique. Il en va de la survie de l'agriculture de montagne et du pastoralisme. Bien sûr, les éleveurs auraient aimé que cette révision soit moins contraignante, mais elle constitue déjà un progrès.
Bien dit
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RépondreSupprimer"Toutefois, les loups s'en prennent également aux animaux d'élevage, tels que les moutons et les chèvres, lorsque ceux-ci ne sont pas protégés. Ils en tuent environ 200 par an. A titre de comparaison: près de 4000 moutons meurent chaque année de maladies ou de chutes, en raison d'un manque de surveillance."
Sinon, la principale cause de mortalité des 350'000 moutons suisses, c'est le boucher. Les moutons suisses n'ont pas vocation à mourir de vieillesse...
Vous savez bien recopier les mensonges publiés à longueur d'années par les protecteurs du loup, c'est bien Michel ... Mais ce serait mieux de réfléchir un peu par vous-même. Et vous n'avez même pas pris la peine de lire mon commentaire apparemment..., commentaire qui vous dit que les mesures de protection ne marchent pas. Et les protecteurs du loup le savent très bien !
SupprimerQuand à votre dernière phrase, excusez-moi, mais elle est sidérante de bêtise et ne mérite aucune réponse.
Que répondre à ceux qui disent que le mouton est une proie du loup solitaire? Les meutes ne s'attaquent qu'aux ongulés sauvages. Un argument qui n'a pas encore été discuté ici. Info ou intox? C'est la famille qui apprend à l'enfant à ne pas marauder.
SupprimerEncore une légende urbaine !
Supprimervous êtes éleveuse ou de famille avec des éleveurs bernadette ?
SupprimerMadame, Monsieur les protecteurs inconditionnels du loup, permettez que je vous pose quelques questions ?
RépondreSupprimerAvez vous contacté des éleveurs confrontés aux attaques de loups ? Avez vous eus le courage de regarder des vidéos ou photographies d'animaux déchiquetés ou agonisant ? Si vous faites de la randonnée, vous êtes vous trouvé en face d'animaux agonisant depuis des heures ou même des jours, dans des endroits ou ils ont été pourchassés, loin de leur troupeau ? Avez vous discuté avec un éleveur pour vous renseigner ce que représentait pour lui la charge financière et émotionnelle d'une telle prédation ? Indépendamment des salaires des bergers, c'est toute une logistique coûteuse à mettre en place pour une efficacité très problématique.
Les surfaces de nos alpages n'ont rien en commun avec ceux des pays voisins. qui ont des surfaces de centaines d’hectares d'un seul tenant. Chez nous les alpages, souvent morcelés, traversés par de multiples sentiers pédestres et de pistes diverses. La présence de chiens de protection complique encore la donne face aux touristes. Faisant leur travail pour le quel ils ont été dressés, l'intimidation, ils provoquent la panique des randonneurs qui déposent plainte auprès des autorités communales.
Les éleveurs ayant subi des attaques de loups à répétition, abandonnent leur métier et essayent un reconversion douloureuse.
Pensez vous, chers protecteurs des grands prédateurs, venir passer vos vacances d'été à faucher l'herbe des alpages désertés par les troupeaux ? Vous pouvez imaginer le danger que représente une forte pente enneigée sous laquelle se trouverait une couche d'herbes hautes, couchées !!! Un toboggan !Une surface propice aux avalanches !
Vous qui aimez les loups, vous aurez à cœur de les voir évoluer dans des territoires ou ils sont intégrés ! L'Alaska, le Canada, le Yukon, la Pologne, la Russie etc. Pourquoi les obliger à subir l'environnement hostile d'un territoire exigu, une urbanisation accélérée, une circulation en constante augmentation ? Ce sont des animaux de grands espaces, ce que nous ne pouvons pas leur offrir.
Une mise au point pour commencer: je n'ai aucun problème de fond ni avec l'activité de chasse en soi, ni avec les chasseurs, qui sont nombreux dans mes connaissances, mes voisins, ma famille et mes amis.
RépondreSupprimerQuand on doit se prononcer sur une loi au stade du référendum, on se prononce sur un paquet, qui est à prendre ou à laisser. La loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages date de 1986: c'est nécessaire et urgent de l'adapter à la situation actuelle. Par exemple, elle permet de chasser des espèces qui ont disparu de Suisse (la perdrix grise), alors qu'elle protège des espèces qui n'ont jamais été observées dans notre pays (le garrot d'Islande)...
En Valais, le débat se focalise entièrement sur le loup, qui est une des 450 espèces animales concernées par la loi. Je suis favorable à l'introduction de meilleurs outils permettant la cohabitation entre les grands prédateurs et l'agriculture de montagne, mais je ne peux pas accepter que cela se fasse dans le cadre d'une révision globalement ratée.
Le Lagopède alpin, le tétras lyre, la bécasse des bois et le lièvre brun sont des espèces qui figurent dans la liste rouge des espèces menacées de Suisse, ou qui sont aux portes de celle-ci. C'est tout simplement impensable de réviser une loi en 2020 sans réajuster leur statut. Lors du débat au Conseil national, la proposition de retirer ces espèces de l'article 5 de la loi (espèces qui peuvent être chassées) a été rejetée par la majorité, et par 7 des 8 parlementaires valaisans.
Après, il y a aussi les écrans de fumée. On applaudit aux 12 espèces de canards qui ont été retirées de la liste des espèces chassables. Ce qu'on oublie de dire, c'est que ces 12 espèces représentaient, en 2019, 2.4% des quelque 5000 canards tirés en Suisse. On applaudit à la nouvelle dénomination des districts francs, qui seront désignés comme sites de protection de la faune sauvage. Ce qu'on oublie de dire, c'est que le tir des bouquetins pourra désormais y être autorisé.
La biodiversité est entrée dans une crise majeure au niveau mondial, et la Suisse n'échappe pas à la règle. Il semble qu'une bonne partie de la classe politique n'ait pas vraiment pris conscience de cela. Ce n'est pas parce que nous pouvons voir des chamois lors de presque chaque balade en montagne que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Nous devons réviser la loi sur la chasse pour en faire une loi ambitieuse, qui donne le juste cadre à une activité de chasse durable, et qui soit à la hauteur des nouveaux enjeux pour la conservation des espèces sauvages: je suis persuadé que c'est possible. Mais dans l'intervalle, je dirai un non convaincu à cette révision qui représente une belle occasion ratée.