12 juillet 2021

Agressions contre la communauté LGBTIQ+ en Valais

Lundi 28 juin au soir, la Suisse est en ébullition. La victoire de la Suisse contre la France à l’Euro provoque des célébrations dans toutes les villes du pays et Martigny ne fait pas exception. Dans la ville les spectateurs et spectatrices crient de joie et les automobilistes bloquent les rues en klaxonnant à tue-tête. Outre les drapeaux suisses brandis fièrement, on remarque également des drapeaux albanais, kosovars, italiens, etc. Cette même soirée, Kelly et Raphaële ont d’autres préoccupations que le match et n’y prêtent pas attention. Contactées par leur ami Laurent, elles décident de prendre la voiture pour aller le chercher à la gare. C’est à ce moment-là qu’elles sont confrontées à la liesse populaire. Après avoir récupéré leur ami, bloquées dans les bouchons qui se sont formés et portées par une ambiance folle, elles décident de sortir le drapeau arc-en-ciel de la communauté LGBTIQ + qui était resté dans la voiture depuis la journée de lancement de la campagne pour le Mariage pour Toutes et Tous. C’est à ce moment-là que commencent les agressions verbales et les provocations. Kelly, Raphaële et Laurent se font insulter, reçoivent des mégots, font face aux menaces. On essaie de leur arracher le drapeau des mains mais Raphaële et Laurent (qui ne sont pas au volant) s’y cramponnent. Arrivé∙e∙s à un rond-point, des jeunes hommes tentent de sortir Laurent du véhicule mais ils n’y parviennent pas. Et dans les secondes suivantes, Kelly reçoit plusieurs coups de poings au visage. Après avoir repris∙es la route, ielles tombent sur la police pour un contrôle. Kelly leur explique la situation et un policier lui conseille de porter plainte. S’en est suivie une très longue et douloureuse semaine pour les trois ami∙e∙s qui ont décidé de mener l’affaire devant les tribunaux. Kelly, qui s’est faite frapper au visage, s’est rendue à l’hôpital pour vérifier qu’elle n’avait pas de commotion cérébrale et pour faire constater ses blessures. Avec le soutien des associations valaisannes LGBTIQ+, ielles se sont décidé∙e∙s à voir le match Suisse/Espagne à Martigny, pour affirmer leur droit de participer à cet événement malgré le fait qu’ielles n’appartiennent pas à la « norme » hétérosexuelle. Rappelons ici que la rue est à tout le monde. Mais encore une fois, ielles et leurs ami∙e∙s ont dû faire face à de la violence verbale et physique. Heureusement, plus entouré∙e∙s et plus en sécurité que lundi soir. 



J’ai rencontré Kelly et Raphaële une semaine après l’agression violente qu’ielles ont subi dans la ville. Kelly m’a expliqué que les démarches étaient compliquées mais qu’elle souhaitait véritablement se battre pour les autres membres de la communauté LGBTIQ+ qui, quotidiennement, doivent faire face à des regards en biais, des insultes verbales et non-verbales et parfois des agressions physiques. Raphaële m’a raconté qu’en sortant sur la place centrale, elle avait croisé la même bande qui les avaient agressé∙e∙s et qu’elle s’est sentie paniquée, si bien que la police a été contactée pour les protéger. La peur de tomber nez à nez face à son agresseur contraint Kelly à rester chez elle.

Si j’écris cet article, c’est pour dénoncer le fait que ces événements sont à mon sens totalement banalisés et qu’on cherche souvent à culpabiliser les victimes. Dans ce cas, j’ai entendu que la présence du drapeau arc-en-ciel a été fortement critiquée, qu’il n’avait pas sa place dans une manifestation sportive. Pourtant, bien d’autres drapeaux étaient brandis durant les célébrations, et aucun ne devrait attiser la haine d’un autre groupe. De plus, le drapeau arc-en-ciel se veut être un drapeau de paix, de bienveillance et d’acceptation. Comme pour les femmes victimes d’agression sexuelle, l’apparence physique est souvent mise en cause et le look vestimentaire accusé comme étant de la provocation. Ces agressions LGBT-phobes sont vues comme des faits divers isolés. Pourtant, quand on discute avec des personnes gays, lesbiennes, trans et autres, on se rend vite compte qu’ielles les subissent au quotidien. Le week-end dernier, Samuel Luiz, jeune homosexuel, était insulté et battu à mort à la sortie d’une boîte de nuit en Espagne. S’en sont suivi d’importantes manifestations de soutien.

En Valais, canton encore très conservateur et religieux, l’homophobie constitue un problème de société important. Toutefois, l’année dernière, le Grand Conseil valaisan a refusé que les violence subies par les personnes LGBTIQ+ soient recensées par la police, considérant que les statistiques devraient plutôt être tenues par les services sociaux, pourtant déjà surchargés, ce qui renforce cette banalisation/invisibilisation. De plus, un rapport publié par LGBT+ Helpline en 2018 montre que plus de 80% des agressions subies par des membres de la communauté ne sont pas signalées à la police car ielles n’ont pas confiance ou ne pensent pas que l’infraction relève du pénal. Or, pour que la confiance en la police se fasse, il faut que ces agressions soient prises au sérieux et donc dénombrées et qu’une sensibilisation correcte soit mise en place pour les policier∙ère∙s, en plus de celle reçue concernant les victimes de violences domestiques.

La campagne pour le mariage pour toutes et tous a été lancée le dimanche 27 juin et je me battrai également pour que le « OUI » l’emporte en septembre prochain. Si la discrimination selon l’orientation sexuelle est aujourd’hui considérée comme un crime (art.261 bis du CP), les couples homos sont toujours discriminés en ce qui concerne le mariage, ce qui implique que leurs enfants sont moins bien protégés par la loi en cas de séparation ou décès. Le « OUI » permettra également d’ouvrir la PMA aux couples de même sexe. Surtout, voter « OUI » enverra un signal aux personnes LGBTIQ+ que, bien que lentement, la Suisse progresse vers une plus grande tolérance et plus de diversité. En tant que future membre du comité d’Entremont Autrement, je défendrai cette thématique lors de nos prochaines rencontres et je souhaite qu’une sensibilisation puisse être effectuée dans nos contrées concernant la votation.

A titre personnel, je soutiendrai également du mieux que je peux les projets qui bourgeonnent dans la tête de Kelly (organisation d’une gay pride, rencontres entre membres de la communauté, création de « safe spaces », bar gay, …) et je tâcherai d’être une alliée de qualité pour mes ami∙e∙s LGBTIQ+ sans pour autant parler à leur place, mais plutôt en leur laissant la place dont ielles ont besoin pour s’exprimer. 

Vinciane Murisier

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