18 janvier 2020

Les manifestants contre le réchauffement climatique devraient changer leur fusil d’épaule

Les manifestants sur les changements climatiques portent des pancartes disant «Halte au réchauffement climatique», largement interprété cela signifie «limiter le réchauffement climatique à l’objectif de 1,5 ° C de l’Accord de Paris». Un tel objectif contribue à sensibiliser le public, mais ne parvient pas à identifier les étapes spécifiques pour atteindre l'objectif. Il est désormais urgent que les militants pour le climat plaident non seulement pour des objectifs mais pour des actions pragmatiques. De telles actions spécifiques devraient commencer par la tarification mondiale du carbone et l'aide gouvernementale aux projets d’infrastructures qui font progresser la propagation des énergies renouvelables. Une partie du but devrait être de ne pas excorier l’industrie pétrolière et gazière, mais plutôt pour l’encourager à investir davantage dans la transition.

Avant de lancer leur prochaine manifestation de rue, les militants devraient faire une pause et réfléchir sur ce qu'il faudra au monde pour éviter une catastrophe climatique: des investissements massifs. L'agence internationale de l’énergie (IEA) a récemment estimé que des investissements de 71 billions de dollars étaient requis pour réaliser la transition énergétique nécessaire pour se détourner des combustibles fossiles au cours de la période 2019-40. L'Agence internationale des énergies renouvelables prévoit un besoin des secteurs énergétiques cumulés un investissement de 110 billions de dollars d'ici 2050. L'investissement requis sera donc en moyenne environ 3,5 billions de dollars par an, par rapport aux investissements mondiaux dans le secteur de l'énergie qui se montent à 2 billions de dollars/an en 2014-18. Une part importante de l'investissement supplémentaire doit être consacrée à des énergies nouvelles et renouvelables.

La réalisation de cette accélération massive de l'investissement dans les circonstances actuelles sera difficile car, selon le Fonds monétaire international, l'investissement réel mondial ralentit depuis 2017. La croissance économique mondiale ralentit également et, dans de nombreux pays, la croissance a été tirée par les achats et l'endettement des consommateurs, avec peu de contribution émanant d’investissements commerciaux ou gouvernementaux. L'investissement des entreprises dans tous les secteurs est freiné par les différends commerciaux et la stagnation consécutive du commerce mondial.

Les investisseurs du secteur privé hésitent également à investir en l'absence de politiques gouvernementales claires et cohérentes vers un changement climatique. Certains gouvernements s’abstiennent d’investir dans des infrastructures pour des raisons idéologiques, faisant valoir que les initiatives du secteur privé sont préférables.

Pendant ce temps, l'accélération des investissements nécessaires pour propulser la transition énergétique n'attendra pas. L'économiste en chef de l'OCDE a récemment écrit: «Les gouvernements doivent agir rapidement. Sans un sens clair de l'orientation sur les prix, les normes et la réglementation du carbone, et sans les investissements publics nécessaires, les entreprises retarderont les décisions d'investissement, avec de terribles conséquences sur la croissance et l'emploi.»

Ainsi, les militants pour le climat doivent se mobiliser en concentrant leurs efforts en vue d'une énorme augmentation des dépenses annuelles du secteur de l'énergie à un moment où les investissements mondiaux sont réduits. Comme l'indique la déclaration de l'OCDE, la cible la plus urgente doit être les politiques gouvernementales qui freinent actuellement l'investissement privé.

Il a été tentant pour les manifestants climatiques de se concentrer plutôt sur la condamnation de l’industrie des carburants fossiles. La forte visibilité de l'industrie et sa présence dans la communauté en font une cible. Mais avant d'occuper la station d'essence la plus proche ou de condamner des institutions culturelles pour accepter les contributions de l'industrie pétrolière, les militants devraient s'arrêter et réfléchir stratégiquement. Les défenseurs du climat devraient se demander : Serait-il possible de commencer d’aligner les intérêts de l'industrie des combustibles fossiles sur leurs propres objectifs?

Les plus grandes entreprises nord-américaines et européennes de l'industrie pétrolière et gazière investissent, dans l'ensemble, environ 300 milliards de dollars par an. De gros investissements supplémentaires sont réalisés par entreprises publiques et autres sociétés pétrolières et gazières basées au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et Amérique latine. Une partie de cet investissement, mais à ce jour seulement une infime partie, l’a été pour des énergies non fossiles. Comment orienter une part plus importante de ces dépenses en faveur de la transition énergétique?

Persuader l'industrie pétrolière et gazière de diversifier ses dépenses d'investissement en énergies renouvelables n’aiderait pas seulement à répondre aux énormes besoins de financement de la transition énergétique, mais également à, apporter les compétences et l'expérience précieuses de l'industrie dans la gestion de mégaprojets, le développement et l’introduction de nouvelles technologies et la maîtrise des risques.

Aligner les intérêts des activistes et de l'industrie pétrolière
Que peuvent faire les militants pour le climat pour encourager un tel alignement des intérêts? Comme dans la déclaration de l'économiste en chef de l'OCDE, les militants doivent exiger du gouvernement des politiques qui favoriseront spécifiquement l'investissement pour faire avancer la transition énergétique. Les manifestants doivent prioriser ces politiques. Des objectifs génériques imprécis («Arrêter le réchauffement climatique») permettent aux gouvernements de faire de vagues promesses sur ce qui sera réalisé d'ici 2050, lorsque peu de dirigeants actuels seront là pour faire face à la responsabilité de l'échec.

L'industrie pétrolière et gazière a déjà révélé comment aligner leurs intérêts sur celles des militants pour le climat, et comment les politiques gouvernementales pourraient influencer leurs investissements dans le domaine. En 2015, les grandes sociétés pétrolières et gazières européennes ont exhorté collectivement les gouvernements pour mettre un prix sur les émissions de carbone. Cette demande de l'industrie est bien plus précise que les slogans figurant sur les pancartes des manifestants sur le climat. Depuis 2015, des entreprises de l'industrie ont rejoint le groupe d'origine, et la semaine dernière, les principaux producteurs américains de gaz naturel ont fait le même plaidoyer.

Un accord multilatéral pour mettre un prix significatif sur le carbone, ou pour augmenter substantiellement un tel prix où le carbone est déjà évalué, devrait être l'objectif stratégique le plus élevé des militants du climat dans le monde. Un prix sur le carbone pourrait être mis en œuvre soit sous forme d’une taxe ou soit par un système de plafonnement et d'échange de plus en plus contraignant. Une telle politique devrait être accompagnée par des subventions directes en espèce aux consommateurs à faible revenu ainsi qu'à ceux qui vivent dans les zones mal desservies par les transports en commun, ou qui sont autrement injustement affectés par un hausse du prix du carbone. 

Un objectif stratégique tout aussi important des militants pour le climat doit être d'obtenir des gouvernements leur participation financière à de grands projets d'infrastructure favorisant la transition énergétique, telles que la construction d’installations de stockage par pompage, l’agrandissement et la modernisation de réseaux de transport et de distribution d'électricité, l’extension de l’offre en transports publics, et investissements similaires. Historiquement, les gouvernements ont joué un rôle de premier plan dans les grandes infrastructures souvent en partenariat avec des investisseurs privés. Il est peu probable que l'augmentation massive des investissements dans le secteur de l'énergie nécessaire pour faire avancer la transition se réalise sans une reprise de ce leadership gouvernemental.

Accuser l'industrie des hydrocarbures d'investir dans des réserves d'hydrocarbures susceptibles de devenir des actifs bloqués peut marquer des points de débat, mais ces actifs ne seront bloqués que si la transition énergétique est réussie. Stratégiquement, les militants pour le climat devraient plutôt se concentrer sur la mobilisation des ressources financières pour payer la transition et sur la garantie d'un coût partagé équitablement.

John Gault

John Gault est un économiste indépendant de l'énergie. Il réside à Chez-les-Reuses.

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