28 juin 2015

Rencontre avec Anne-Christine Willa d'Amnesty

Anne Christine, tu es responsable de Amnesty International en Valais; rappelle-nous quelle est l'origine de Amnesty International et quels sont ses buts ? 
L’ONG Amnesty International a été fondée il y a plus de 50 ans et compte aujourd’hui plus de 3 millions de membres dans le monde entier. Sous la dictature de Salazar au Portugal, deux étudiants avaient porté un toast « à la liberté » dans un bistrot et s’étaient vus condamnés à une peine de prison pour cet acte, car la liberté d’expression n’était pas au programme de la dictature portuguaise... Un appel international à l’amnistie avait été lancé par un avocat anglais et avait permis de faire libérer les étudiants. C’est de là que l’idée est venue d’écrire des lettres aux gouvernements qui ne respectaient pas les droits humains. Après tout, ils ont signé des conventions, qu’ils les respectent ! L’idée a l’air naïve mais fonctionne très bien. Tous les jours des milliers de lettres, pétitions, initiatives, sont écrites par les membres d’Amnesty pour des victimes de violations des droits humains et nombre d’entre eux voient leur situation s’améliorer.

Il y a donc une section valaisanne d’Amnesty International; peux-tu nous expliquer pour quelle raison il est nécessaire d'avoir une section en Valais ? Est-ce qu'il y a vraiment des personnes en Valais qui ont besoin de protection ?
Les membres d’Amnesty en Valais agissent pour les victimes de violations des droits humains dans le monde entier, mais il y en a aussi en Suisse et en Valais ! Il y a quelques années, un rapport avait par exemple dénoncé les violences policières en Suisse. Dans le domaine de l’asile et des migrations, les discriminations sont également légion. Un des grands combats actuel de la section suisse porte sur les multinationales qui ont leur siège ici. Notre pays figure malheureusement dans le « top ten » des pays dont les entreprises violent le plus les droits humains et respectent le moins l’environnement à l’étranger. Les violations les plus massives n’ont donc pas lieu ici, mais sont le fait de nos entreprises qui n’appliquent pas la législation nationale à l’étranger et profitent de l’absence de normes internationales. La Suisse porte également une responsabilité quand elle accueille un nombre anecdotique de réfugiés syriens ou encore refuse de mettre de l’argent dans les sauvetages en Méditerranée.

Comment est-ce que tu travailles? Quelles sont tes actions? Quels sont tes interlocuteurs en Valais?
Anne-Christine Willa
Nous sommes un groupe d’une dizaine de bénévoles et nous rencontrons une fois par mois. Il existe également deux bureaux de professionnels à Berne et Genève. Amnesty ne peut intervenir pour tous les cas d’injustice et doit donc établir des priorités. Nous choisissons parmi ces priorités et selon nos propres intérêts. Vu que la plupart des membres sont d’origine étrangère, la question de l’asile et des migrations est au centre de nos préoccupations. Nous organisons des témoignages, des expositions photos, des conférences, des projections de films autour de ce thème pour sensibiliser le public au drame que vivent certains migrants.
Nous écrivons aussi les lettres « traditionnelles » d’Amnesty à divers gouvernement, c’est-à-dire pour faire libérer les prisonniers d’opinions. Ces lettres ont des grands effets (on estime qu’elles amènent une amélioration de la situation dans un cas sur trois) et permettent tous les jours de sauver des vies. J’ai connu l’an passé un égyptien qui a été libéré grâce à nos actions, il avait écrit sur son mur Facebook des propos anti- religion… et avait été condamné à 3 ans de prison. Il a eu un visa et le statut de réfugié pour la Suisse grâce notamment au travail d’Amnesty et d’autres ONG. En ce moment nous nous battons pour le bloggeur Raif Badawi, toujours en prison en Arabie saoudite.
Enfin, les 3 groupes valaisans (Monthey, Sion et groupe jeune) travaillent également sur la Colombie. Ce pays est en proie aux pires atrocités et les défenseurs des droits humains qui luttent pour le droit à la terre et la fin des violences contre les civils y sont tout le temps menacés. Nous écrivons des lettres au gouvernement et nous venons d’organiser une conférence à Martigny sur le processus de paix.

Quels sont tes combats en Valais à court et moyen terme?
Il y a une campagne qui me tient particulièrement à cœur en ce moment, c’est la campagne « Forteresse Europe ». Amnesty dénonce depuis plus de 10 ans la création de frontières administratives et physiques, véritables murs autour de l’Europe. Aujourd’hui nous voyons les conséquences de cette politique. Il est essentiel de montrer les faits aux gens, c’est-à-dire que la plupart des migrants de Méditerranée proviennent des pays où se jouent les pires conflits ou violations massives des droits humains (Syrie, Erythrée, Afghanistan, Nigeria, etc. ) et qu’ils ont droit à la protection internationale.
Il y a un deuxième combat très valaisan celui-là qui concerne le Centre dit LMC (Loi sur les mesures de contraintes). Certains migrants déboutés sont détenus administrativement en vue de leur renvoi. Or cette détention se fait au sein d’une prison à Granges et les gens sont détenus 21h sur 24 en cellule, ils n’ont pas d’activités la journée, ne peuvent pas téléphoner librement, etc. en bref, ils sont traités comme des criminels, alors qu’ils n’ont pas commis de délit pénal. À l’aide du secrétariat de Berne, nous nous battons pour que la loi Suisse, qui différencie totalement la détention pénale et administrative, qui prévoit des activités pour les détenus administratifs, soit appliquée aussi en Valais …
Ces deux combats montrent qu’Amnesty n’est pas interventionniste. C’est sa force. Il s’agit juste de citoyens qui rappellent aux états les engagements qu’ils ont signés et les lois qui sont en force !


Si quelqu'un est intéressé à rejoindre Amnesty International Valais, que lui dirais-tu?  Engagez-vous ! Si les injustices nous révoltent, ne rien faire a pour conséquence que nous nous ressentons nous-même un mal-être ! Si la situation des plus précaires nous touche, il faut agir. Amnesty, c’est un minimum d’action pour un maximum d’effet. Grâce à l’effet de groupe, une simple lettre change la vie d’une personne qui subit une injustice. Alors rejoignez-nous !

Le site internet d'Amnesty International en Suisse

2 commentaires:

  1. Merci Anne-Christine de m'avoir éclairé un peu plus sur les actions d'Amnesty International.
    MERCI d'avoir répondu favorablement à la demande d'interview d'EA et de partager avec nos lecteurs ton/votre bel engagement auprès d'Amnesty International en Valais

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  2. Bravo et merci à toutes les personnes qui œuvrent bénévolement pour Amnesty International et qui luttent pour la défense des droits de l'homme. C'est un travail gigantesque et ô combien nécessaire partout à travers le monde !

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