10 mai 2014

Vers une nouvelle constitution VIII / Le PDC préfère la tortue à la révolution d'octobre

Il est intéressant de constater que les propositions de révision totale de la constitution sont conçues comme une tâche du grand conseil qui en fait un argument pour la refuser. En 1997 on ne parle pas d'assemblée constituante.

14 octobre 1997

MOTION du groupe radical, par le député Adolphe Ribordy, concernant la révision totale de la Constitution (13.05.1997), (4.010)

TRAITEMENT :

M. le conseiller d'Etat Jean-René Foumier, chef du Département de la sécurité et des institutions :


Par cette motion, les députés Ribordy et consorts demandent la révision totale de la Constitution cantonale. Comme il ressort du texte de la motion, les motionnaires souhaitent non pas d'une révision de la Constitution par étapes, mais en une seule fois. Il est évident que le Gouvernement ne peut pas accepter de concert cette motion et celle présentée par la députée Edith Nanzer-Hutter.

Par conséquent, le Conseil d'Etat maintient sa position, qui est également celle qu'il a maintes fois exprimée devant le Parlement, à savoir de poursuivre la révision totale de la Constitution par étapes.

Je relève que les motionnaires remettent en cause expressément le chapitre des droits populaires, dispositions récentes de la Constitution puisqu'elles ont été adoptées par le peuple en octobre 1993.

Je ne reviens pas sur l'argumentation plaidant pour une révision par étapes que j'ai développée tout à l'heure s'agissant de la motion de la députée Edith Nanzer-Hutter.

J'ajoute qu'une révision par étapes paraît bien plus respectueuse des principes démocratiques puis- qu'elle permet au peuple de se prononcer à l'occasion de chaque étape révisée, alors qu'une révision totale en une seule fois n'autoriserait le Souverain qu'à dire une seule fois oui ou une seule fois non à l'ensemble des innovations présentées dans un seul texte.

Pour ce qui est de l'exemple de la Confédération cité par les motionnaires, il faut constater que le principe de la révision totale de la Constitution fédérale a été admis il y a bientôt vingt ans. Il n'y a donc rien de nouveau puisqu'il y a dix ans que les Chambres fédérales ont opté pour une réforme ne touchant que des modifications d'ordre formel, une mise àjour des textes constitutionnels, ainsi qu'une éventuelle adoption d'une meilleure systématique. Cela signifie que, sur le plan fédéral, à l'époque, il avait été admis qu'il n'était pratiquement pas possible de réunir un consensus suffisant sur un projet de Constitution comportant de très nombreuses innovations.

La révision totale, actuellement à l'étude aux Chambres fédérales, a tout de même le mérite de démontrer la volonté d'entreprendre une profonde réforme de nos institutions fédérales, qui en ont d'autant plus besoin qu'elles sont demeurées plus de vingt ans dans un immobilisme provoqué par les tergiversations incessantes du Parlement.

La situation est tout autre dans notre canton puisque les deux tiers de notre charte fondamentale ont déjà été révisés ces dernières années.

Je vous rappelle que cette révision par étapes ne s'est pas déroulée sans heurts puisqu'en 1986, le peuple valaisan refusa les réformes constitutionnelles partielles qui lui étaient proposées. Le nombre d'objets (trois) et le nombre d'articles modifiés ne sont sans doute pas étrangers à ce résultat négatif, qui d'ailleurs n'a fait que de retarder d'environ dix ans le processus vers une révision totale. Ces dispositions ont finalement été adoptées en 1993 par le peuple valaisan.

Monsieur le député Adolphe Ribordy, je vous propose de poursuivre la révision totale de notre Constitution par étapes et, ensuite, lorsque les quatre derniers chapitres seront révisés, nous pourrons alors procéder à un exercice de révision totale, exercice qui devrait à ce moment-là se limiter à un dernier lissage, à un dernier ébarbage de la Constitution, à une ultime tâche de finition bien ciselée.

Je suis persuadé que cette méthode est la seule garante du succès d'une révision que nous désirons finalement tous, afin de doter notre canton dans les meilleurs délais d'une Constitution moderne et permettant au Valais d'entrer dans le troisième millénaire équipé d'institutions performantes, enviables et enviées.

C'est fort de cette conviction que le Conseil d'Etat ne peut que recommander le rejet de la motion en tant que cette dernière demande la révision totale en une seule fois de la Constitution cantonale.

Il faut parfois avoir la sagesse de choisir de rester et d'être la tortue de la fable plutôt que le lièvre, surtout lorsqu'on tient avant tout à obtenir un résultat dans les meilleurs délais !

Je vous remercie de votre attention.

M. le député Adolphe Ribordy :


J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vient de dire M. le chef du département.

Je ne veux pas revenir sur le développement effectué en son temps, mais je relève que je suis très déçu par la réponse du Conseil d'Etat à cette motion.

En effet, il ne s'agit plus de traiter de problèmes de procédure ou de devancer l'événement pour savoir si le peuple valaisan acceptera tel ou tel dispositif de la Constitution dans sa totalité ou en partie ou par titre ou par chapitre.

La proposition qui est faite par notre collègue a le mérite, il est vrai, de traiter titre après titre. Il y en a sept dans la Constitution actuelle. Je vous rends attentifs au fait que, à ce rythme, soit à raison d'une révision par titre et par période législative, c'est dans 30 ans qu'on aura fait le tour de la question. Il y a une prudence de la part de nos collègues haut-valaisans à travers cette motion.

Pour ma part, j'aimerais vous dire ceci, Monsieur le conseiller d'Etat: On vit une période de mutation à la vitesse grand V. Lorsque les Constitutions suisse et valaisanne ont été mises sur pied, elles ont fixé un cadre juridique, un habit, à notre pays qui, à certains égards, pouvait paraître un peu trop grand. Aujourd'hui, vous vous rendez compte, ouvrez le journal «Le Nouveau Quotidien» de ce matin, vous assistez à des fusions économiques d'importance mondiale, dans lesquelles l'habit qui est constitué pour ces grandes organisations - et on en a chez nous que ce soit Novartis, Lonza ou d'autres engagements qui sont faits sur la politique économique, dont on ne trouve qu'une ou deux traces dans la Constitution et notamment une qui porte sur l'engagement de l'Etat sur l'assurance obligatoire du bétail - est trop petit.

Alors, il y a deux possibilités : Ou bien on laisse cet habit tel quel et on n'arrivera pas à saisir la réalité socio-économique qui nous environne, car manifestement l'Etat n'aura plus la capacité puisqu'il devra agir avec fondement sur des textes légaux, ces textes vont contraindre l'Etat à ne plus assumer ses responsabilités. Dans la réponse, il y a également une évaluation négative par avance ! La révision de la Constitution n'est pas une œuvre révolutionnaire. C'est tout simplement un Parlement comme le nôtre qui se met, à travers «E2000», «R2000», «J2000», «P2000», qui se met à réfléchir sur l'état de la nation, sur le cadre juridique général pour précisément affronter. C'est un exercice de réflexion, c'est un exercice d'adaptation. Et au rythme où vont les événements, je peux déjà vous dire que, même lors d'une révision totale de la Constitution, très rapidement on devra se remettre au travail. Regardez les révisions qui se sont fait jour sur le plan suisse ! Il y a plusieurs cantons qui ont révisé totalement leur Constitution, et ils ne s'en portent pas plus mal, les dernières révisions datant du début de cette décennie. Par conséquent, si nous voulons faire face aux événements, il faut cette réflexion, puis la mise en route. En cours de route, nous pourrons encore procéder à des évaluations d'urgence de domaines qui nous paraissent plus importants que d'autres. Mais si vous vous laissez prendre par la peur de vieux réflexes, qui ont été ceux que le Valais a toujours connus face à la nouveauté, disant : «ah !, le peuple va refuser, il ne faut surtout rien trop changer !», nous allons passer complètement - à travers cette Constitution, qui est quand même la charte fondamentale et qui met tout l'ensemble législatif sous sa gouverne - à côté d'occasions, que je ne veux pas, en responsabilité, laisser de côté.

C'est la raison pour laquelle le groupe radical-démocratique, en parfaite conviction de cet impératif d'exigence de mutation et de rapidité des événements qui nous oblige à tenter une révision totale de notre Constitution, ne serait-ce que pour l'effort de réflexion institutionnelle et des rôles de l'Etat qui en découlent, maintient cette motion et demande le vote. L'affaire est trop importante.

Le président : Vous avez entendu les arguments du motionnaire et du Conseil d'Etat. La discussion est ouverte puisque la motion est combattue.

M. le député (suppl.) Eric-A. Balet :


Le groupe DC du Centre est de l'avis que ce Parlement doit avant tout rester efficace et ne pas perdre son temps dans la révision totale d'une charte aussi large et fondamentale que notre Constitution cantonale.

Je m'explique. La proposition de nos collègues Adolphe Ribordy et consorts heurte, en effet, notre sens logique : Comment peut-on s'imaginer mener à bien, dans des délais raisonnables, la révision d'un texte aussi fondamental, sans que ne s'affrontent à n'en plus finir des options de société forcément opposées ? Comment peut-on s'imaginer faire aboutir la révision d'un texte à la portée aussi large, quand ce Parlement est déjà incapable de mettre sur pied une loi aussi particulière que celle relative aux horaires d'ouverture et de fermeture des magasins ?

Soyons réalistes et logiques, en adoptant la seule attitude raisonnable pour dépoussiérer notre Constitution, car nous convenons tous qu'elle en a grand besoin.

Soyons efficaces et crédibles, et prenons la voie, la seule qui est correcte, et qui consiste à réviser ce texte par étapes successives. Puis surtout prenons garde à ce que le dépoussiérage reste permanent, de manière à ce que notre Constitution avance à peu près au même rythme que notre société, c'est-à-dire de manière permanente et continue, et non pas seulement à coup de «révolution d'octobre» ! Le groupe DC du Centre vous propose de repousser cette motion.

La discussion est dose.

Le président : Je constate que ni le motionnaire ni le chef du département ne désirent répliquer. Nous votons.

Par 59 voix contre 45, les membres de la Haute Assemblée refusent la motion 4.010 du groupe radical, défendue par le député Adolphe Ribordy.

Le président :

Cette motion est donc définitivement classée.

C'était en octobre.

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