24 novembre 2022

Privatiser, mais à quel prix ?

Alors que nous sommes à l’aube potentielle d’une période économique difficile, la question des privatisations diverses peut se poser de manière nouvelle et aussi plus importante que jamais. L’Etat, depuis les années 90 et notamment la privatisation des CFF, connait cette réalité et l’applique à divers secteurs de notre vie. Si récemment la privatisation de PostFinance ne s’est pas faite, elle reste dans les pipelines du Conseil fédéral qui attend encore un rapport d’experts.

Mais que représente une privatisation et est-elle vraiment bénéfique pour la population suisse ? Les raisons principales de la privatisation reposent sur une seule idée : la rentabilité. Un service public, dans sa définition stricte, devrait garantir à la population l’accès à de nombreuses infrastructures dites publiques sans restriction. La rentabilité de ce service est importante, mais elle n’est pas prioritaire. En effet, on ne peut pas la faire passer avant son accessibilité et sa rentabilité devient donc subsidiaire. Au moment d’une privatisation d’un secteur public, son accessibilité n’est plus la priorité mais au contraire son rendement. En entrant dans le domaine privé, le service public devient une entreprise complexe comprenant divers intérêts : ceux de ses usagers, ceux de ses actionnaires et ceux de ses dirigeants. Dès lors, dégager du bénéfice devient important. Il faut en effet rétribuer les dirigeants et actionnaires, qui n’existaient pas au moment où ce service était public. En effet, dans l’administration il n’y a pas de PDG ou d’actionnaire, mais des fonctionnaires d’Etat payés par l’impôt et donc budgétisés.


Vendre un service public c’est donc délégué une responsabilité à une entreprise privée. Souvent l’Etat, les cantons et les communes sont les actionnaires majoritaires de ces nouvelles entreprises. Néanmoins, elles ne bénéficient plus de la même influence que lorsque toute la responsabilité et l’organisation en dépendait. En effet, selon le droit suisse, un représentant actionnaire au sein d’un conseil d’administration doit soutenir toute mesure pour le bien de l’entreprise et non en fonction de lui-même ou dans le cas qui nous occupe en fonction de la collectivité qu’il représente ! Ainsi s’il doit trancher entre une décision du type : fermer des succursales qui tournent à perte pour éviter de péjorer les finances de l’entreprise ou maintenir une succursale ouverte pour garantir un accès à ce service aux citoyens de sa commune, il devrait choisir la première option selon le droit des entreprises. Question épineuse d’autant plus que le représentant de la commune actionnaire, est tenu responsable personnellement de ces décisions et non la commune elle-même.

Mais revenons à la situation actuelle : à l’aube d’une crise majeure qui impactera de nombreuses entreprises, l’Etat sera peut-être appelé à soutenir et sauver divers secteurs privés qui étaient auparavant publics… Ainsi la rentabilité à tout prix des services publics se fait au détriment des citoyens (souvent ces services coûtent plus chers ou sont réduits à des fins de rentabilité) et au détriment de l’Etat, lui-même financé par ses citoyens. Ainsi toute privatisation doit être pesée avec attention et peut-être que certaines nationalisations pourraient être envisagées à l’avenir. Un service public est un bien commun, le vendre ou en déléguer la responsabilité ne peut pas être pris à la légère.

Jasmine Lovey

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