2 novembre 2019

Non, l'hégémonie du PDC n'a pas 162 ans!

Lors de l’émission spéciale de Forum sur la RTS le 30 octobre dernier, il a été affirmé:

Une élection dont le résultat sera historique. Ce sera la fin de l'hégémonie du PDC, qui occupe les deux sièges depuis 162 ans, ou la première fois que le Valais enverra une femme au Conseil des Etats.

La journaliste reprenait une information déjà formulée par Florent Quiquerez dans le Matin Dimanche du 27 octobre 2019:

Arrivé troisième, à un souffle de Marianne Maret, le socialiste de 32 ans, sous son éternel air juvénile, est l’homme qui peut briser les 162 ans d’hégémonie du PDC. 

L’information était déjà parue dans le 24 heures en ligne du 22 octobre 2019 et dans la Tribune de Genève et dans d’autres journaux comme 20 minutes:

Il cristallisera sur son nom les envies des Valaisans désireux de mettre un terme à l'hégémonie longue de 162 ans du PDC sur le Conseil des Etats.

L’information a été formulée le même jour par l’ATS. Mais ce chiffre ne résiste pas au contrôle. Passons sur le fait que le PDC n’existait pas sous cette forme, il y a 162 ans, mais rappelons-nous que pendant de nombreuses années la délégation valaisanne était politiquement diversifiée avec des radicaux comme Alphonse Morand ou Maurice Claivaz, de La Gauche et du PLR, des libéraux comme Maurice Filliez ou Joseph Chappex libéral d'abord puis rallié plus tard à une politique conservatrice et des centristes comme Maurice Chappelet.
Les recherches historiques de Jean-Marc Biner sur le sujet sont imparables. Mais sans entrer dans la littérature spécialisée, le site de la confédération nous montre bien que la prétendue période hégémonique de 162 ans est un mythe.
Car, si Hyppolyte Pignat  siégeait comme radical, il y a 162 ans, il ne fut pas le dernier.

Ainsi Joseph Rion qui a siégé jusqu’en mai 1873 était un libéral compté aujourd’hui au rang de ce qui deviendra le PLR. et selon le dictionnaire historique de la Suisse, DHS, il est le fondateur du parti radical de Sion.



162 ans c’est l’âge qu’aurait cette année Emile Coué inventeur de la méthode du même nom.

Herold Bieler, rédacteur en chef du Walliserbote est plus prudent, il parle des effets de 150 de domination du PDC.. quant à Grégoire Baur dans le Temps du 23 octobre, il s'aligne presque sur l'opinion dominante: Pascal Couchepin peine à accepter que le PDC conserve sa mainmise, qui dure depuis plus de 160 ans, sur les deux sièges de la Chambre des cantons. «Je ne suis pas socialiste et je combats les socialistes, mais, avec 35% de l’électorat, un parti doit avoir la décence de ne pas revendiquer de manière disproportionnée le pouvoir.»



L'hégémonie de ce qui s'appelle PDC aujourd'hui est à vrai dire difficile à dater. La réalité du XIXème est très complexe. Les partis politiques "sont davantage des tendances idéologiques, des familles d'esprit que de véritables organisations. Elles sont encore faiblement structurées (inexistence d'organes faîtiers, de sections et de statuts) et surtout, n'ont pas le caractère permanent que nous leur connaissons aujourd'hui. Elles n'oeuvrent qu'en période électorale et s'effacent entre les consultations populaires. Elles ne sont même pas équipées pour constituer de bonnes machines électorales." explique Georges Andrey dans l'Histoire de la démocratie en Valais (1979) qui précise aussi: "Détail intéressant, conservateurs et radicaux revendiquent pour leur formation le qualificatif libéral."

Il n'en demeure pas moins que ce week-end est historique dans la mesure où la prééminence du PDC est aujourd'hui remise en cause par la possibilité de l'élection d'un socialiste.
Pour la deuxième fois de l'histoire au moment où dans une élection au système majoritaire la citadelle du PDC vacille, une femme est envoyée au front. En 1997 Ruth Kalbermatten emportée par la déferlante Bodenmann à l'élection du conseil d'Etat n'avait été lancée que pour le second tour.
"Le socialiste avait le mauvais rôle, celui du goujat." jugeait Eric Felley qui documente également le rôle que Pascal Couchepin a joué dans ce basculement du parti majoritaire encore à l'époque.
Marianne Maret s'élance de plus loin, mais l'effort semble presque aussi vain pour le vieux parti qui depuis a perdu toute sa superbe.

L'archiviste.

Bibliographie:
Biner, Jean-Marc, Autorités valaisannes, 1848-1977/79 Canton et Confédération = Walliser Behörden, 1848-1977/79 : Kanton und Bun,, Vallesia : bulletin annuel de la Bibliothèque et des Archives cantonales du Valais, des Musées de Valère et de la Majorie = Jahrbuch der Walliser Kantonsbibliothek, des Staatsarchivs und der Museen von Valeria und Majoria, 1982, p. 25-239

Papilloud, Jean-Henry et  Arlettaz, Gérald, Histoire de la démocratie en Valais (1798-1914) Groupe valaisan de sciences humaines, 1979

Felley, Eric, Le Rouge et les Noirs, Monographic, Sierre, 1997

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