19 mai 2016

Initiative en faveur du service public. Vraiment ?


Le 5 juin, nous voterons sur l’initiative populaire « En faveur du service public ». Pour celles et ceux qui, comme moi, se battent tout au long de l’année pour sauver des offices de poste et des lignes de transports publics dans les régions périphériques, l’initiative peut sembler séduisante. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que le contenu ne correspond pas au titre de l’initiative et que celle-ci serait au contraire néfaste pour les services publics. Comme parlementaire socialiste d’un canton périphérique, mais aussi comme président des syndicats valaisans, je ne pourrai donc que voter NON le 5 juin prochain.

Regardons donc en détail le texte de cette initiative et ses formulations plutôt problématiques.


  1. Le texte parle des « prestations de base » mais le terme est flou et ce sera au Parlement (et notamment à la majorité ultra-libérale du Conseil national) de le définir. Or les « prestations de base » ne sont pas le « service public » et le concept risque donc d’être interprété encore plus étroitement, favorisant des démantèlements. Dans tous les cas, une chose est sûre : cette initiative n’amènera malheureusement pas un seul train régional en plus, pas une seule ligne de bus supplémentaire dans une région périphérique et ne sauvera pas un seul office de poste. C’est plutôt le contraire qui risque de se produire !
  2. L’initiative s’attaque également aux salaires abusifs à la Poste, aux CFF et chez Swisscom. Il y a en effet de quoi être choqué par les salaires astronomiques des managers de ces entreprises. Il est tout simplement inadmissible que leurs directeurs gagnent deux fois plus qu’un conseiller fédéral ! Les parlementaires socialistes sont d’ailleurs déjà intervenus au Parlement pour exiger que le salaire des dirigeants de ces entreprises ne dépasse pas celui d’un membre du Conseil fédéral. Je m’engagerai pour que nous déposions à nouveau cette demande lors de la session de juin. Mais l’initiative pose encore une fois un problème de formulation, en proposant de limiter les salaires de tous les « collaborateurs » à ceux de l’administration (et non uniquement ceux des dirigeants). Cela revient à déléguer au Parlement les décisions sur les salaires de tous les employés de ces entreprises. De quoi inquiéter à juste titre les syndicats !
  3. Enfin et surtout, l’initiative vise l’interdiction des bénéfices et du subventionnement croisé pour les entreprises liées à la Confédération. Le constat de base est correct : Swisscom et la Poste suivent une logique de course aux profits indécente, et cela doit être freiné par le peuple. Mais la solution apportée par l’initiative n’est pas la bonne et aura des conséquences néfastes pour les services publics. En effet, l’interdiction des bénéfices aura une conséquence claire : le renforcement des tendances à la privatisation et à l’éclatement d’entreprises comme Swisscom et la Poste. En clair, les secteurs rentables seront privatisés, et la Confédération ne gardera que les secteurs déficitaires, sur lesquels la pression augmentera, au détriment des prestations. Quant à l’interdiction du subventionnement croisé, c’est sans doute l’élément le plus dangereux de l’initiative. Interprété à la lettre, le texte empêchera les lignes ferroviaires régionales, par exemple, d’être subventionnées par les axes les plus rentables. Même si le Parlement opte pour une interprétation souple du texte (ce qui est loin d’être sûr !), l’initiative interdira que les bénéfices de la Poste ou de Swisscom ne permettent de financer les transports publics ou l’éducation.


Pour défendre vraiment les services publics de ce pays, il faut commencer par dire NON le 5 juin, à cette proposition comme à l’initiative « Vache à lait ». Cette dernière, sous le titre tout aussi trompeur « Pour un financement équitable des transports », provoquerait un gouffre financier et serait très négative pour les transports publics.

Mais, pour défendre vraiment les services publics de ce pays, il faut également s’engager dès le 5 juin pour des investissements solides dans le développement des services publics, particulièrement dans les régions périphériques. Il faut se battre pour reprendre davantage de contrôle démocratique sur les entreprises liées à la Confédération en exigeant, via les objectifs stratégiques assignés à Swisscom, la Poste et aux CFF, le développement d’un service public accessible à tous, aux prix abordables et assurant de bonnes conditions de travail aux employé-e-s. Il faut résister aux tentatives de démantèlement des prestations de ces entreprises qui nous appartiennent. Il faut redonner du pouvoir aux collectivités locales et à la population pour décider de l’avenir du service public (et notamment des offices de poste). Il faut lutter contre les tentatives de libéralisation et de privatisation de ce qui a jusqu’à présent pu être protégé de la pure logique de marché.

Voilà des initiatives en faveur des services publics !

Mathias Reynard
Conseiller national (PS / Valais)
Président de l’Union syndicale valaisanne

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