23 novembre 2021

L’enfumage de la votation sur un Valais sans grands prédateurs

Le 27 septembre 2020, par voie de référendum, les citoyennes et citoyens suisses ont rejeté la révision de la Loi sur la chasse. Un non prononcé du bout des lèvres (51,9 %) et essentiellement porté par la population citadine du pays.

En Valais, ce dimanche de votation a eu, pour beaucoup, l’effet d’une douche froide. La révision du texte avait été acceptée à l’unanimité des communes et par 68,6% des votants. A peine la votation passée que le Grand conseil valaisan, organe législatif cantonal, donnait son soutien au lancement d’une initiative populaire cantonale exigeant l’introduction d’un nouvel article dans la constitution cantonale en la teneur suivante : « L'Etat édicte des prescriptions relatives à la protection contre les grands prédateurs ainsi qu'à la limitation et à la régulation de leur effectif. La promotion de la population des grands prédateurs est interdite ».

Une démarche manifestement désespérée et vide de sens à plusieurs égards.

D’abord sur la forme, car la marge de manœuvre accordée pour le développement d’un concept cantonal en la matière est très limitée. La Suisse est liée par des engagements internationaux en faveur des grands prédateurs (notamment Convention de Berne, Convention de Bonn, Convention Alpine). Le canton doit ainsi se conformer aux exigences fédérales en la matière et ne peut y déroger.

Ensuite sur le fond, car la gestion des grands prédateurs en Europe centrale doit, par nature, être gérée sur le plan international, l’agenda étant dicté par la forte mobilité de ces animaux.

Cet impératif est mis en lumière par de nombreuses recherches universitaires. ROSEN et BATH, soulignent dans un travail relatif aux ours bruns du Trentin combien il est difficile d’envisager un retour paisible des grands prédateurs dans un territoire aussi morcelé que celui de l’Europe centrale en se passant d’une synchronisation internationale. Sans efforts de coordination, ce retour est plus difficilement supportable notamment pour les éleveurs qui se voient régulièrement confrontés à des prélèvements inopinés sur leurs troupeaux. Si un Etat adopte une politique de conservation de manière unilatérale, sa population de grands prédateurs s’étend rapidement à ses voisins.

Pour une gestion transfrontalière réussie des grands prédateurs, les États doivent intégrer les facteurs qui influencent les attitudes sociales à l'égard de ces espèces, harmoniser les différents corps de lois et développer une manière commune des clés de compréhension, de définition et de traitement des comportements problématiques afin de limiter au mieux leurs impacts tant sur les activités humaines que sur l’image de l’espèce.

En Suisse, le KORA a émis en 2016 un avis allant dans ce sens dans ses recommandations pour une coordination internationale des loups dans les Alpes. Pour cet organisme leader sur l’écologie des carnivores et sur la gestion de la faune sauvage, il est crucial d’aménager au plus vite un programme pan-alpin de management des espèces. Un avis partagé par nos partenaires européens, qui rappellent encore l’importance que ces structures comprennent des espaces de communication et de dialogue avec toutes les parties prenantes.

Le 27 septembre 2020, le peuple suisse l’a plébiscité : les grands carnivores ont leur place en Suisse. Plutôt que de se fourvoyer dans un enfumage stérile, le législateur et le peuple valaisan auraient intérêt à se mobiliser pour un projet constructif de coordination internationale permettant un retour serein et contrôlé des grands prédateurs dans les espaces alpins.

Bastian Moulin
Conseiller général
Val de Bagnes

1 commentaire:

  1. Bastian,
    J'adhère à ta vision et je te félicite pour ton courage et ton engagement pour trouver et mettre en place des solutions concrètes en vue de la gestion du loup.

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