1 juin 2018

Le Valais mérite mieux qu'un si faible projet

Sion 2026 a phagocyté le débat démocratique. Nous avons perdu beaucoup trop de temps et d’argent à détourner l’attention des Valaisans pour un projet qui ne correspond pas aux besoins de notre canton, plutôt que de nous pencher sur les vrais problèmes de celui-ci et de chercher ensemble des projets porteurs et enthousiasmants.

Si d’abord des promoteurs, puis des politiciens ont repris l’idée des JO, c’est parce qu’ils n’ont pas envie de réfléchir à ces fameux enjeux que le Valais devra affronter, jeux ou pas jeux. C’est très facile d’organiser des jeux, c’est comme des Lego techniques, il suffit de suivre à la lettre le mode d’emploi du CIO. En revanche, c’est beaucoup plus difficile de faire une introspection de ce qui ne fonctionne pas dans ce canton et de faire le choix de penser différemment.

Selon les médias valaisans, le mauvais résultat des sondages est aussi dû à la perte de confiance de la population envers ses autorités. Comment pouvez-vous avoir confiance en des autorités qui sous-traitent l’avenir de leur canton à une commission chargée de trouver, à leur place, des idées pour le futur. La commission « Héritage » est la preuve du manque de clairvoyance, du manque d’imagination, du manque d’anticipation, de nos édiles. Comme citoyen, je suis choqué de voir la démocratie de ce canton traitée avec tant de légèreté.

Un responsable du patronat valaisan m’a dit : « Si on ne vote pas oui, je ne vois pas ce qu’on va pouvoir faire ».

Je tiens à le rassurer. Il y a plein de régions dans le monde qui n’ont pas de Jeux Olympiques et qui ont plein de projets. Le Valais aussi doit avoir des projets. Mais des projets à sa taille. Nous ne sommes pas assez nombreux en Valais (la taille d’un quartier de Milan) pour mener de front des projets aussi importants que les JO et de vrais projets d’avenir. Le comité de Sion 2026 le prouve puisque plus du 50% des épreuves se dérouleront hors du canton. Si plus de la moitié des compétitions se déroulent en dehors du Valais, pourquoi ne serait-ce pas Berne ou Zurich qui organiserait ces jeux et nous déléguerait certaines épreuves ? Et pourquoi est-ce le Valais seul qui prendrait les risques financiers ?

Les défenseurs de Sion 2026 sont très vite tombés amoureux de leur projet et ont perdu tout sens de la critique en agressant les personnes qui ont osé émettre des doutes sur la viabilité d’une telle manifestation. Il n’est pas étonnant, dans ce dénigrement systématique, que les fronts se soient durcis et que les dérapages aient eu lieu dans les deux camps, ce que je déplore. En voulant rallumer la flamme le comité pour les jeux a surtout foutu le feu au Valais et ne sait plus comment éteindre l’incendie qu’il a allumé. Ce n’est pas en allant chercher des personnalités politiques dans les autres cantons qu’il va y parvenir. Car en soutenant la candidature de Sion, Messieurs Maillard et Rosselat ne font que de protéger le siège du CIO, celui de l’UEFA et les palaces de la Riviera qui, ils se réjouissent déjà, seront pleins en février 2026. Ils ne voient là que leurs propres intérêts et ne prennent aucun risque.

La candidature de Sion 2026 est la caricature du Valais d’aujourd’hui. Ce sont quelques promoteurs qui dictent l’agenda, les femmes sont quasi absentes des sphères dirigeantes, le développement durable est un pis-aller, le débat est faussement démocratique, les esprits critiques sont déconsidérés et on nomme les petits copains aux différents postes clés.

Si pour moi, le débat doit porter sur « pourquoi le Valais devrait-il organiser des jeux olympiques » reprenons quand même quelques arguments de Sion 2026 afin de démontrer, en quelques exemples les incohérences de ce dossier :

  • Les hôtels seront pleins. En février les hôtels sont pratiquement toujours pleins puisqu’on est en haute saison. En revanche ils resteront fermés en été. De plus, les habituels clients qui fuient les sites olympiques reviendront-ils après les jeux quand ils verront qu’ils auront eu droit, en Autriche par exemple, à un accueil irréprochable, à des infrastructures ultra-modernes pour des prix nettement inférieurs à ce que nous proposons ?
  • Il n’y aura pratiquement pas d’infrastructures à construire. C’est dommage, parce que c’est justement de ça que le Valais a besoin.
  • On va faire l’anneau de vitesse en Hollande. Tiens, non. Finalement, on le fera à Aigle dans une halle plus grande que le CERM. D’ailleurs on a déjà trouvé un entrepreneur qui va attendre 8 ans que tout soit terminé. 
  • Grâce à l’agenda 20/20 les jeux seront durables. Les JO 2026 ne seront pas durables, tout comme les JO de Paris ne seront pas durables. Si les le comité Sion 2026 cite si souvent Paris en exemple, c’est certainement parce que nous avons une vision du développement durable aussi suffisante que les Français. Les jeunes de Sierre ne font pas plus de ski que ceux de Neuchâtel. Le Développement durable ce n’est pas de remplacer la défection des autochtones par des touristes Américains ou Chinois mais de faire revenir les locaux dans nos stations. 
  • 2.5 milliards de personnes vont pouvoir placer Sion sur la carte du monde. Et alors ? Je préférerais que 10 millions de personnes sachent où se situe notre canton et qu’un million de nouveaux touristes y viennent chaque année en été. 
  • Le CIO a changé. Le CIO est comme un fabriquant de parachutes dont tous les modèles créés se sont révélés défectueux. Forcément ils se mettaient tous en torche (olympique). Aujourd’hui, ils veulent nous fourguer un nouveau modèle qui, ils le jurent, sera super fiable. Vous comprenez que je n’ai aucune envie de l’essayer. La fiancée JO est peut-être belle mais elle est surtout capricieuse et très dépensière, et c’est surtout les Valaisans qui amènent la dote…

Nous devons impérativement investir notre argent et notre énergie dans des projets à notre échelle et aux résultats certains.

On ne va pas au cinéma avec les enfants avant que leurs chambres ne soient rangées sinon, on est à peu près sûr qu’ils ne le feront pas après coup.

Notre canton a trop de désordre pour organiser une telle fête (il n’y a qu’à regarder l’aménagement de la plaine du Rhône). Nous devons d’abord faire de l’ordre dans la chambre Valais et après, quand nous serons au top, nous pourrons éventuellement organiser des Jeux Olympiques.

C’est bizarre que je sois devenu un Neinsager, moi qui suis toujours quelqu’un de positif et d’enthousiaste pour les projets visionnaires. Or, Sion 2026 n’est pas un projet du futur, mais un projet du passé. C’est pourquoi, en tant que citoyen, je m’oppose à la candidature de Sion, car je suis trop ambitieux pour un si faible projet.

Léonard Bender
Architecte

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