30 mai 2018

Sion 2026 - au nom de la majorité silencieuse

Je m’exprime ici à titre de citoyen engagé, dans cette campagne contre les JO, je tiens à préciser que je n’appartiens à aucun mouvement politique.

Beaucoup de personnes, restées silencieuses, discrètes, voteront contre les JO le 10 juin prochain. Parmi elles, des entrepreneurs, des mères de familles, des constructeurs, des ouvriers, des avocates, des policiers, des enseignantes, des vigneronnes, des étudiants, des personnes âgées, des agriculteurs, des jeunes. Ces personnes n’osent souvent pas prendre position dans la sphère publique, de peur d’être jugées, stigmatisées ou qualifiées de rétrogrades, passéistes ou encore conservatrices. C’est aussi en leur nom, qu’en tant que citoyen, que je m’engage contre l’organisation de ces jeux en Valais. Les initiants de ce projet tentent de faire passer un message implicite qu’il serait anormal d’être contre ce projet. Cette pression insidieuse a un mérite évident. Elle réveille les consciences. Las d’être pris pour ce qu’ils ne sont pas, ces Valaisans et Valaisannes commencent à se mobiliser dans une opposition qui devient de plus en plus marquée.

Oui, on peut être innovant, progressif, créatif, impliqué, on peut s’engager dans des projets, on peut être un entrepreneur dynamique, on peut aimer le sport et le pratiquer, on peut être amoureux du Valais, et être opposé à ce projet. Cette opposition silencieuse est bien plus importante qu’il n’y parait.

Ce projet olympique mal abouti nous distrait des véritables enjeux prioritaires de ce canton. Dans l’état de connaissance actuelle du dossier, le non relève nettement plus de la sagesse que d’une quelconque fermeture ou d’un manque de connaissance, ce que les initiants ne cessent de marteler.

Nous sommes un petit canton, l’un des plus pauvres de Suisse. Nous sommes largement subventionnés par la péréquation inter cantonale et les autres subventions confédérales, pour plus de 800 millions par année (péréquation et autres subsides). Le canton du valais est sous perfusion depuis longtemps. Organiser une manifestation festive dispendieuse et la faire finalement porter par sa population en affirmant que nous devons être dans l’émotion et non dans les chiffres a de quoi interroger. Les habitants du Vieux pays connaissent ce qu’est la rigueur économique, les restrictions. Ils sont, de près ou de loin, tous liés à un passé évoquant la pauvreté. Risquer au Casino des JO une partie de leur avenir économique est pour beaucoup d’entre eux, inacceptable. Envisager des dépenses inconsidérées, sur la base d’un budget clairement sous-dimensionné, avec des garanties pour le moins floues, pour ne pas dire plus (pseudo garantie liée à une assurance, spéculation sur une baisse des charges, création d’une SA chimérique) pour supporter les coûts (ou faciliter une faillite) n’est pas concevable.

Lorsqu’on prend la mesure du dernier sondage, on peut simplement remarquer l’ampleur de l’échec de cette campagne disproportionnée qui s’apparente de plus en plus à de la propagande. Les initiants affirment de façon éhontée que les personnes opposées le sont car elles sont mal renseignées. Quel manque de respect !!! Les Valaisannes et les Valaisans refusent justement de s’engager dans ce projet parce qu’ils sont bien renseignés, qu’ils ne se laissent pas conter, qu’ils se questionnent et qu’ils ont les pieds sur terre !! Ils n’ont aucunement envie de signer un chèque en blanc qui hypothèquerait leur avenir et celui de leurs enfants. Ce projet a démontré combien il était clivant et dangereux pour la cohésion du Valais, et certaines traces au sein de la communauté se font déjà sentir. D’autre part les citoyens de la ville de Sion et de ce canton n’ont pas envie de revivre l’expérience amère des autres cités olympiques, écrasées par le poids des dettes indubitablement reportées sur les collectivités, quels que soit les types de calculs et de comptabilités. (CF Albertville, Grenoble, Turin, Lillehammer, etc…).

Il y a d’autres priorités comme l’accès à la formation (on a coupé encore dernièrement dans les budgets alloués aux bourses) , une véritable politique touristique sur 4 saisons, un engagement sur le front du développement durable et de la mobilité, une aide aux plus défavorisés (coupe drastiques dans le subventionnement aux caisses maladies, dans les budgets d’aide sociales communaux qui sont de plus en plus discutés) , mise à niveau des installations de remontées mécaniques (nous avons plus d’une décennie de retard sur l’Autriche), une vraie politique d’accueil touristique (nous en sommes loin et vivons sur des acquis) un développement multiaxial et pas uniquement sous l’angle du sport, une vraie politique de la personne âgée (des enjeux énormes en terme de moyens et de finances devront être engagés) , de l’accès aux soins (aujourd’hui la plupart des services officiels d’aide sont saturés et ne peuvent plus faire face), de l’aide aux familles de plus en plus écrasées par le poids financier.

Mais il y a plus déroutant. Un exemple illustre à lui seul l’ambigüité de cette candidature. D’un côté, le comité Pro JO s’appuie sur des figures attachantes du monde paralympique, en l’occurrence Théo Gmür, athlète méritant, magnifique triple médaillé olympique. Théo Gmür apparaît depuis plusieurs semaines dans toutes les publicités de Sion 2026, comme fer de lance de cette candidature. Dans le même temps, lors de la session de printemps du parlement à Berne, Monsieur Stahl, président du comité Sion 2026, ne s’est pas gêné avec ses collègues de voter pour une baisse de plus de 500 millions de francs dans le paquet des prestations complémentaires, essentiellement versée aux personnes âgées, à leurs enfants mineurs ou à des personnes en situation d’handicap au bénéfice de l’AI. Où est la cohérence ?

Une large majorité des citoyens de ce canton n’a aucune confiance dans l’organisation opaque du CIO. La pseudo réforme de l’agenda 2020 ne montre pas d’effet sur l’augmentation des coûts et les dépassements de budget (sources Paris 2024 et Pékin 2022, ceci sans compter les expropriations forcées de la part du gouvernement Chinois). Sur la base des promesses des initiants et en regard de la réalité, comment les Valaisannes et les Valaisans peuvent-ils décemment faire confiance au CIO ?

Personne n’est dupe.

L’argumentaire autour de la création d’emploi pour le tourisme durant les jeux ne tiens pas également. Les emplois touristiques sont aujourd’hui pour la plupart peu attractifs. Les Suisses s’y détournent généralement. Ces emplois sont occupés par une main d’oeuvre étrangères compétente, mais peu qualifiée. En conséquence l’argument de l’emploi pour jeunesse qui affirme que les jeunes auront un avenir professionnel grâce au JO ne tient pas. La réalité est que la plupart des jeunes n’ont aucun intérêt pour ces JO. Beaucoup d’entre eux ne voteront pas. Argumenter en affirmant que ces JO sont pour notre jeunesse est tout à fait bancal, et ne se vérifie pas. Les sondages, une fois de plus le démontrent.

C’est pour ces raisons et au nom de cette majorité silencieuse, que je m’engage contre l’organisation de la manifestation Sion 2026.

Benoit Carron

Sources :
https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/abstimmungen/qui-a-vot-comment-au-conseil-national
http://www.liberation.fr/sports/2018/03/30/paris-2024-risques-de-surcouts-evalues-a-500-millions-d-euros_1640075
https://ici.radio-canada.ca/sports/1086043/pekin-chine-depense-jeux-olympiques-hiver-2022-cio
https://www.lexpress.fr/actualites/1/sport/jo-d-hiver-2022-pekin-depense-deja-gros_1988197.html
http://www.rhonefm.ch/fr/news/perequation-financiere--la-part-versee-au-valais-augmente-en-2018-861729

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