17 juin 2023

Vendre nos réseaux électriques : c’est non !

Durant ce mois, les citoyen.nes des communes de Liddes, Bourg-St-Pierre et Orsières se sont prononcés ou se prononceront en Assemblée primaire sur la vente de leur réseau électrique à une SA momentanément nommée Dransgrid+. Il s’agira donc de déléguer à une entreprise privée la gestion et le développement du réseau électrique physique aux mains aujourd’hui des communes. La SA, créée pour l’occasion, aura comme actionnaire majoritaire la commune d’Orsières, puis des parts pour Liddes et BSP et finalement 10% d’actions environ pour la Romande Energie.

La question qui nous est finalement posée est donc de savoir si la vente d’un réseau électrique, appartenant pour l’instant à la collectivité, est souhaitable ou non et pose plus largement la question de la privatisation des services et des biens publics.

La privatisation, souvent souhaitée pour dynamiser un secteur, ou pour déléguer une tâche considérée comme trop complexe pour l’administration politique, représente une réelle perte de pouvoir de la part des collectivités publiques. En effet, une fois le réseau électrique vendu, bien qu’actionnaire majoritaire, la population ou même le Conseil communal ne pourra plus se prononcer en Assemblée ou en plénum sur la question du réseau électrique. Par la vente, c’est l’ensemble des décisions démocratiques éventuelles qui sont désormais déléguées à une entité privée. La présence en Conseil d’Administration de représentant.es communau.les ne change rien à cette situation : en droit suisse, toute personne, même nommée par une commune comme représentante au sein du Conseil d’Administration d’une entreprise, doit soutenir toute mesure visant à la bonne santé de l’entreprise. Dès lors, si les considérations privées entrent en collision avec celles publiques, lesquelles seront prise en compte ? Probablement pas celles de la Commune.

La vente du réseau électrique signifie donc une véritable perte d’un contrôle public sur un bien construit par l’argent public. Chaque citoyen.ne a contribué financièrement à l’établissement de ce réseau depuis de nombreuses décennies. Il fait partie des possessions majeures des communes, ainsi que d’un patrimoine important. Ce n’est donc pas uniquement un objet encombrant qui est vendu, mais un réseau qui a accompagné le développement économique de la région et qui touche chaque habitant.e en apportant de l’électricité à son domicile. Certes, une rétribution financière est prévue pour cette vente, cependant elle n’atteindra jamais la somme dépensée par le passé, et une fois l’argent de cette rétribution dépensée, en divers projets peut-être très prometteurs, il n’existera plus, alors même que le réseau lui sera toujours présent. La valeur de ce réseau est donc inestimable.

Finalement la conjoncture économique du moment n’est pas la meilleure que la Suisse, et plus largement l’Europe, ait connue. La possibilité d’une crise économique devrait nous permettre de poser la question de l’importance des biens publics mais aussi du rôle de l’Etat, des cantons et des communes dans la gestion des éventuelles crises futures. Si de mauvais investissements se font par exemple ou que la future SA connait des difficultés financières, les communes passeront inévitablement à la caisse. En effet, il n’est pas envisageable d’abandonner aux lois du marché un réseau physique qui dessert l’entier d’une région identifiée. On l’a vu récemment avec la crise du Crédit Suisse, ou même le manque de liquidités chez Axpo, les intérêts privés peuvent mener à des situations extrêmes nécessitant l’intervention expresse des collectivités publiques pour éviter la faillite générale d’un secteur, qu’il soit national, cantonal ou communal. Dès lors, quelles sont les réels bénéfices d’une vente pour les communes et les collectivités, si les risques restent assumés par la collectivité ?

D’autres interrogations émergent : pourquoi une solution de fermage n’est pas présentée à la population ? La constitution en coopérative aurait-elle été possible ? Des exemples de pratiques différentes pour l’exploitation et la gestion des réseaux électriques sont visibles ailleurs en Suisse et en Europe, quid de ces autres structures ?

Les privatisations ne sont pas souhaitées ni souhaitables et les biens publics devraient le rester surtout lorsqu’ils impactent le quotidien et les besoins fondamentaux de la population. 

Liens utiles : https://www.rescoop.eu

https://orsieres.ch/publications/assemblee-primaire/


Entremont Autrement

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