10 novembre 2021

La Constituante dépoussière les institutions valaisannes. Nos questions à Cilette Cretton


Entremont Autrement vous propose une série d'articles pour suivre au plus près les débats fondamentaux en cours dans le cadre de la Constituante valaisanne. Aujourd'hui, nous recevons sur notre blog Cilette Cretton, élue Appel Citoyen du district de Martigny.


En première lecture, l’assemblée constituante a décidé d’augmenter le nombre de conseillers d’Etat de 5 à 7. Pourquoi ?
Les tâches du Gouvernement sont devenues de plus en plus complexes au fil du temps. Certains élus gèrent deux gros départements, en plus de nombreux services, comme c’est le cas par exemple des départements de la formation et de l’économie. Il n’est plus raisonnable de cumuler toutes ces tâches si l’on vise l’efficacité. De plus, un Gouvernement à sept membres permettrait une meilleure représentation des partis minoritaires et sans doute aussi, une représentation féminine qui peine à obtenir sa place dans le contexte actuel. Certains craignent des coûts supplémentaires mais ceux-ci sont marginaux dans la mesure où il ne s’agit pas de créer de nouveaux services mais de répartir différemment les dicastères existants.

Cilette Cretton
L’assemblée a également accepté l’élection du Conseil d’Etat au système proportionnel. Pourquoi pensez-vous que cette disposition est importante ? Quels seront ses effets ?
Il s’agit là d’une petite révolution. En effet, les Conseillers d’Etat ont toujours été élus au système majoritaire jusqu’ici. Ce système a permis de privilégier le parti dominant, soit le PDC. Jusqu’en 2013, ce parti détenait la majorité absolue et de ce fait, il pouvait gérer le canton à lui tout seul puisqu’il aurait même pu faire main basse sur les cinq sièges. Pour laisser un siège à la minorité de son choix, il présentait des listes fermées et seulement quatre candidats, ce qui est désastreux en terme de démocratie. On a toujours prétendu que le système majoritaire privilégiait l’élection de personnalités plutôt que des partis. Dans les faits, ce sont les instances dirigeantes d’un (ou deux) partis qui choisissaient les candidats que le corps électoral n’avait plus qu’à entériner, faute de choix. Le système de la représentation proportionnelle garantit le respect de la volonté populaire. Il permet d’ouvrir les listes et d’offrir ainsi un vrai choix aux citoyen-ne-s. Il permet enfin de répartir le pouvoir plus équitablement. Le Valais a tout à y gagner. Les groupes minoritaires de la Constituante l’ont bien compris puisqu’ils ont plébiscité ce système.

"Les tâches du Gouvernement sont devenues de plus en plus complexes au fil du temps. [...]
Il n’est plus raisonnable de cumuler toutes ces tâches si l’on vise l’efficacité."

Pourquoi garantir un représentant par région. Etait-ce vraiment indispensable ? Pourquoi ne pas garantir deux sièges sur sept au Haut-Valais ?
Alors que la population s’accroît régulièrement dans le Bas-Valais, le Haut voit la sienne s’effriter. Elle ne représente plus aujourd’hui que 23% de l’ensemble de la population valaisanne. Les élus du Haut à la Constituante réclamaient que deux sièges leur soient automatiquement garantis, ce qui représente 28% des sièges, soit largement au dessus de leur force réelle. Cette surreprésentation a été refusée. En revanche, partant du principe que trois régions (le Haut, le Centre et le Bas) constituent des entités plus équilibrées quant au nombre d’habitants, la Constituante a accepté de réserver au moins un siège à chacune de ces trois entités, ce qui ne devrait pas avoir de conséquences particulières. Evidemment, une majorité d’élus PDC auraient préféré que deux sièges par région soient garantis. Ils craignent à terme de voir un seul élu UDC l’emporter dans le Haut-Valais, ce qui aggraverait encore davantage sa position dans le canton.

La suppression des sous-circonscriptions au profit de grands arrondissements électoraux inquiète les vallées latérales. Ont-elles raison ?
Ici, il s’agit des élections au Grand Conseil, qui se sont faites longtemps par districts, donc sur la base de 13 circonscriptions électorales très inégalement peuplées. Le Tribunal fédéral a contesté ce mode de faire, parce que les chances d’élections étaient très inégales selon que l’on demeure à Rarogne ou à Sion. La Constitution fédérale garantit que la volonté populaire soit respectée, qu’il n’y ait pas de biais qui permettent de la détourner, autrement dit qu’il n’y ait pas de discriminations liées au lieu d’où l’on vient. Suite à l’arrêt du TF, il a donc été décidé de créer dans le canton 6 circonscriptions sensiblement de population équivalente. Mais aussitôt, pour tenter de ne rien changer, le Parlement a créé des sous-circonscriptions, situation que l’on connaît aujourd’hui. La majorité des Constituants n’en a plus voulu, parce qu’il s’agit une fois de plus de fausser la volonté du peuple.

Un autre mécanisme tend aussi à fausser la volonté du peuple : celui du quorum (aujourd’hui de 8% soit le plus élevé de Suisse) qui permet d’écarter d’emblée les « petites fractions politiques » de la répartition des sièges. Les élus ne l’ont pas supprimé mais laissent le soin au Grand Conseil de fixer ce taux qui devra être inférieur à 5%. Dans des circonscriptions plus vastes, ces petites fractions doivent déjà aujourd’hui nouer des alliances pour survivre. Elles risquent de devoir les renforcer à l’avenir.

En tout état de cause, c’est le Haut-Valais qui pâtira le plus de ces nouvelles dispositions. Il faut dire que jusqu’ici, le système électoral avait surprotégé cette partie du canton.

Merci beaucoup Cilette d'avoir accepté de répondre à nos questions sur les travaux en cours à la Constituante valaisanne. Bonne suite dans vos débats!

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