21 février 2019

L’apathie vient en mangeant, vraiment ?

Si vous êtes Valaisans et que vous n’avez pas passé cette semaine à l’étranger ou coupés du monde alors vous aurez certainement entendu - peut-être même que vous aurez pris parti - le débat au sujet du traitement des animaux aux abattoirs de Martigny. Loin de moi l’envie avec cet article de raviver le sujet déjà suffisamment enflammé ou de porter un quelconque jugement sur l’une ou l’autre des positions. Une enquête est ouverte et la lumière sera faite sur les actes qui le nécessitent.

J’ai pris le risque de m’hasarder dans les commentaires et avis que ce soit auprès de mes connaissances ou sur internet. Force est de constater, comme dans tous les débats, qu’il y a des points de vue intéressants chez chacun tout comme chaque force possède son lot de crétins. Mais encore une fois, là n’est pas mon sujet. Cependant, cette polémique m’est restée en tête jusqu’à en arriver à deux réflexions.

La première, a été ma surprise de cette prise de position pratiquement viscérale de la population face au sujet. J’ai l’impression que de manière générale, l’avenir et les enjeux de l’agriculture valaisanne ne semblent pas vraiment concerner une masse aussi importante. Mais dès lors qu’elle devient « nourriture », au même titre que la religion, la politique, le sexe, l’argent ou les plaques étrangères sur nos routes de montagnes, c’est un sujet qui touche. Je sens que, dans les deux camps, l’interlocuteur a un tel souci de convaincre la partie adverse, qu'on pourrait croire que sa vie en dépend. Ce qui rend le combat d’autant plus musclé: ni l’un ni l’autre ne lâchera puisque sa réalité lui est si précieuse. La marge de consensus se rétrécit à mesure que le sujet nous prend aux tripes.

Ma deuxième réflexion concerne le dégoût général face à la réalité de l’abattage. Pour les personnes végétariennes ou végans pour qui cette pensée est insupportable, je peux entendre et je peux tout à fait envisager que ces images soient terribles à leurs yeux. Ce qui m’a surprise c’est plutôt les personnes qui sont omnivores mais qui se sont senties profondément peinées ou choquées face aux images. A croire qu’une majorité découvrait pour la première fois la réalité de ce qui arrivent dans leurs assiettes depuis toujours. Entendons-nous, il est évident que certains gestes sont vraisemblablement déplacés et encore une fois, merci à la justice de faire son travail. Mais au-delà de ces gestes précis, il reste le sang, les actes et la mort quand même. Je me pose alors cette question ; à quel moment nous sommes-nous détachés à ce point de ce que l’on mange ? Les aliments sont achetés, pour l’immense majorité en grande surface déjà partiellement, voire totalement, transformés. Dès lors, comment imaginer le chemin qu’ils ont fait pour arriver ainsi si je vis loin de cette réalité ?

J’ai eu la chance de grandir auprès de parents agriculteurs. En voyant mon père agir, mais aussi des amis ou des connaissances, il me parait tellement évident que l’on puisse profondément aimer son bétail tout en finissant par le manger. Evidement que le paysan adore ses vaches, sinon comment serait-il possible pour lui d’accepter les sacrifices que demande son métier ? Valais, pays de terroir. Mais combien d’enfants qui y habitent sont déjà entrés dans une écurie ou une ferme (et voir les vaches au comptoir ne compte pas) ? Je ne peux qu’inviter les gens qui ont des questions à aller à la rencontre des agricultrices et agriculteurs pour se rendre compte à la fois de la beauté, de la sincérité mais aussi de la complexité de leur métier. Tout comme les sorties de ski, une journée à la ferme ne devrait-elle pas être inscrite dans les programmes scolaires ? Punissons bien sûr les mauvaises actions mais soyons conscients de nos actes et de tout ce qu’ils impliquent. Soyons plus près de cette nature qui fait pourtant tellement partie de notre identité. N’ayons pas peur d’elle. Apprenons à la connaitre aussi brute soit-elle pour mieux la respecter et la préserver. Et surtout, soyons capables d’un peu plus d’indulgence envers ceux qui n’ont pas les mêmes principes que nous, même si on n’a pas le même contenu dans nos assiettes.

Roxanne Di Blasi

2 commentaires:

  1. Merci d’avoir écrit avec tant de bon sens et de délicatesse sur ce sujet difficile.

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  2. Félicitations pour autant de justesse dans tes propos !

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