21 juillet 2010

Le texte gagnant

Voici le texte de Justine Volluz dont il était question dans notre entretien d'hier:

J’aperçois une ombre. Quelque chose bouge. Je continue à enfoncer les touches de mon clavier, tentant de rester calme. Mais rien n’y fait. Je suis perturbée, dérangée. Soudain je la vois. Je l’observe. Elle se déplace, vite, très vite.
Cependant, mes doigts continuent à s’activer inlassablement. Des centaines de lettres alignées, toutes plus significatives les unes que les autres.
Le «C» hante mon texte. Comme si le «O» le mettait en avant. Elle est omniprésente, décide de tout! Je n’ai plus aucun contrôle. Je subis sa loi, celle du plus fort.

Cela fait maintenant une dizaine de minutes. Je suis tellement sous son emprise que je remplis d’innombrables pages.
Oh diable! revoilà le «C», doublement cette fois. Je ne saisis pas ses si nombreuses présences. Que me veut-il? Pourquoi réapparaît-il autant de fois?
Je ne cesse de ruminer. Mes doigts se fatiguent. J’angoisse, m’active, panique. Je ne cerne pas la raison de cette emprise.

La voilà à l’arrêt sur «enter». Je crois qu’elle se vide. Oui, c’est ça, elle se vide. Tant pis, je nettoierai plus tard.
Elle n’en finit pas de tourner sans cesse autour de ce foutu clavier. Elle est vraiment décidée à me mettre des bâtons dans les roues. Elle monte, puis descend, puis remonte, puis redescend.
Brusquement, elle prend son envol. Je sursaute. Je la cherche. Je frotte mes habits. Je ne vois rien.
J’observe, je me fige. J’attends. Je suis là devant mon écran. J’ignore sa position. S’est-elle glissée dans ma poche, dans ma manche? Elle a disparu… Plus aucune lettre ne s’ajoute sur mon écran.

Puis soudain, le calme demeure. Je l’aperçois du coin de l’œil. Ce sont ses yeux contre les miens. Elle me nargue. Elle poursuit son tour d’honneur. Elle me provoque. Puis, elle s’immobilise. Elle me scrute. Comme si elle riait de mon anxiété.

Finalement, elle me tourne le dos et…Tout à coup, je frappe. La voilà inerte…Je n’ai aucun regret, non aucun!

Après un instant de silence, je réagis. Oh Madone! Sotte que je suis! Je viens d’assassiner mon précieux porte-bonheur.

Tout correspond! Elle le décide: elle s’arrête. Je ne décide pas: ça s’arrête. Comme un étrange lien unit ces deux cas. Une coïncidence…peut-être pas si aléatoire que ça!..

Avant que la bête à bon Dieu ne rejoigne définitivement le ciel bleu, elle m’a murmuré dans son dernier soupir: «Je suis maîtresse de ton inspiration.»



GuP1

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