2 mars 2016

Un système est-il à l'oeuvre à Bagnes?

Que s'est-il donc bien passé à Verbier? Entremont Autrement se serait-il fait abuser? Aurions-nous tout simplement été victimes d'un jeu de dupe de la part de médias avides de scandale? Les quinze cas évoqués par le rapport d'expert seraient-ils ni plus ni moins qu'une exception, une fâcheuse coïncidence d'éléments qui à eux seuls ne légitiment pas que l'on se questionne sur l'ensemble des quelques quatre cents dossiers (source : Article du Temps) traités annuellement par la police des constructions de la commune de Bagnes, ni que l'on émette des doutes sur l'existence d'autres cas non conformes et sur le fonctionnement du secteur de la construction dans notre belle commune?



La commune de Bagnes nous promet de rendre le rapport public, une fois ce dernier connu du Conseil Général courant mars (source : Article du Nouvelliste ). D'ici là, essayons de faire une petite synthèse des informations qui nous sont parvenues ces derniers jours afin de déterminer si un système est effectivement en place.

En préambule, définissons ce qu'est un système. À ce titre, le Larousse en ligne nous offre plusieurs pistes (Dictionnaire Larousse).
Ensemble organisé de principes coordonnés de façon à former un tout scientifique ou un corps de doctrine : Système philosophique. 
Ensemble d'éléments considérés dans leurs relations à l'intérieur d'un tout fonctionnant de manière unitaire : Le système nerveux. Les différents systèmes politiques. 
Ensemble de procédés, de pratiques organisées, destinés à assurer une fonction définie : Système d'éducation. 
Moyen, plan employé pour obtenir un résultat : Le système de défense de l'accusé. Un bon système pour faire fortune. 
Appareillage, dispositif formé de divers éléments et assurant une fonction déterminée : Un système de fermeture. Système optique. 
Société considérée comme un ensemble structuré et rigide : Entrer dans le système. 
Tendance à penser et à agir selon un ensemble de valeurs rigide et dogmatique: Il y a une part de système dans sa défense.
À la lecture de ces définitions, nous pouvons retenir qu'un système semble être associé à un ensemble d'éléments/principes/pratiques destiné à atteindre un but commun: ces éléments/principes/pratiques devant être organisés. J'émettrai ici l'hypothèse que le but commun consiste à s'enrichir. De cette hypothèse est-il dès lors possible d'identifier des acteurs, des principes, des pratiques qui permettent d'atteindre ce but?

1) Des conseillers communaux aux multiples casquettes liés entre eux par des intérêts privés:

Le journal Le Temps relève que:
« De multiples liens d’intérêts réunissent aussi les membres de l’exécutif actifs dans la construction et l’immobilier. Président de la commission des constructions, Jean Baillod possède une entreprise d’installation électrique. Sur plusieurs chantiers litigieux, elle a réalisé des travaux différents de ceux qui avaient été approuvés. Il est aussi administrateur d’une société active dans l’immobilier, et présidée par un architecte impliqué dans la moitié des dossiers analysés par les experts. Vice-président en charge des finances, François Corthay dirige une fiduciaire qui révise à la fois les comptes de l’entreprise d’installation électrique, et ceux du bureau d’architecture. (...) Pour l’expert Léonard Bender, «la situation a dérapé en 2009, au moment où la commission des architectes a commencé à fonctionner» (...) La commission a été mise en place par le conseiller communal Eric Fumeaux, qui dirige lui aussi une société immobilière, et qui était en charge de la commission des constructions avant d’hériter de l’aménagement du territoire. »
L'1Dex nomme plusieurs conseillers communaux, dont certains déjà cités par l'article du Temps, mentionnant qu'ils devraient se retirer des discussions liées aux constructions illégales sur Verbier.


1. Est-il concevable que Jean Baillod, conseiller communal, ait pu participer aux réunions du conseil communal portant sur les rapports des experts Veuthey et Bender sans que quiconque n’ait exigé sa récusation préalable? 
2. Est-il concevable que François Corthay, conseiller communal, ait pu participer à ces mêmes séances sans que quiconque n’ait exigé sa récusation préalable?
3. Est-il concevable que sieur Fumeaux, Eric de son prénom, conseiller communal, ait pu participer à ces mêmes séances sans que quiconque n’ait exigé sa récusation préalable?
4. Est-il concevable que Norbert Felley, conseiller communal, ait pu participer à ces mêmes séances sans que quiconque n’ait exigé sa récusation préalable?
5. Est-il concevable que Monsieur Jean-Daniel Gay-des-Combes ait pu participer à ces mêmes séances sans que quiconque n’ait exigé sa récusation préalable?
Pour étayer sa prise de position, il a ensuite relevé un certain nombre de liens entre plusieurs conseillers communaux:

Question à l'attention du Conseil Communal : Avant que Monsieur Baillod se soit retiré de la présidence de la commission des constructions Article du 21 août 2015 (Nouvelliste), s'était-il retiré de cette commission lors de cas concernant son entreprise pour éviter d'être confronté à des soucis de conflits d'intérêts? Le Conseil Communal a-t-il édicté des règles ou des recommandations en matière de récusation? S'il ne l'a pas fait, prévoit-il de le faire à l'avenir? Si oui dans quels délais?

Question à l'attention de l'1Dex : Sur quels éléments concrets vous basez-vous pour demander que Messieurs Baillod, Corthay, Fumeaux, Felley et Gay-des-Combes se retirent des discussions liées aux constructions illégales sur Verbier? Disposez-vous d'informations plus complètes que celles apportées jusqu'ici par le journal Le Temps? Ne craignez-vous pas d'être attaqué pour diffamation dans la mesure où votre article ne mentionne pas en quoi ces récusations seraient nécessaires?

2) Des maîtres d’œuvre peu scrupuleux

Sur ce point le journal Le Temps  relève que:
Des travaux ont été réalisés sans mise à l’enquête publique ou alors avec d’importantes différences par rapport aux plans qui avaient été autorisés. Ces constructions ont été régularisées par la commune une fois le travail achevé: on construit d’abord, on valide ensuite.
Question aux maîtres d’œuvre : Comment ces travaux ont-ils pu être effectués s'ils ne correspondaient pas aux plans autorisés? Quel bénéfice engrangé pour ne pas avoir respecté les plans?

3) Une police des constructions dépassée, sous-dotée et incompétente:

Sur ce point, il convient de relever plusieurs éléments. Tout d'abord, le journal Le Temps nous apprend que:
Ces constructions ont été régularisées par la commune une fois le travail achevé: on construit d’abord, on valide ensuite. 
Le service des constructions manque de personnel depuis longtemps. Il n’a pas pu assumer le contrôle systématique des dossiers. Pour le président, c’est la seconde explication, et «ça n’a jamais été une volonté politique». Le poste d’architecte communal a été mis au concours trois fois, sans succès.
Dans un interview à Canal9 du 11 décembre 2015, Monsieur Eloi Rossier avait confirmé que le règlement communal était appliqué en priorité:
"Je confirme ce que votre reportage a mentionné tout à l’heure. Le règlement de la commune de Bagnes a été en son temps validé par le Conseil d’Etat. Et c’est vrai que la commune de Bagnes, il y a déjà fort longtemps, lorsqu’il s’était agi de relancer le domaine de la construction a voulu appliquer son règlement qui est un petit peu plus généreux que la loi cantonale sur la problématique des locaux qui ne sont pas compris dans la densité constructible."
Le Temps a relevé que le Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral avaient tous deux jugé que le règlement cantonal primait par rapport au droit communal. Entremont Autrement a également analysé ces cas de jurisprudence dans un précédent article. Si les nouveaux conseillers communaux ne pouvaient le savoir, on peut quand même s'étonner que le service des constructions ait sorti de sa mémoire cet état de fait. Ne serait-ce pas le rôle de l'administration d'assurer une continuité entre les législatures, à moins bien sûr qu'ils ne répondent à des intérêts supérieurs que ceux destinés à garantir l'Etat de droit?
Le règlement communal de Bagnes exclut les sous-sols du calcul de la surface habitable. Il est plus permissif que la loi cantonale sur les constructions. Pour le président Eloi Rossier, c’est un premier élément d’explication. Mais même si le règlement a été homologué par le Conseil d’Etat, le Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral ont tous deux jugé que le droit cantonal primait, déboutant la commune en 2011 et en 2012. Ces verdicts sont antérieurs aux dossiers analysés par les experts.
Même si nous avons identifié ci-dessus plusieurs acteurs aux fonctionnements peu adéquats, peut-on pour autant parler de système? Y a-t-il également des principes et des pratiques qui permettent d'étayer le fait qu'un système est à l’œuvre à Bagnes?

Au niveau des principes, il convient de relever en premier lieu la culture du secret apparemment très présente au sein des autorités bagnardes, comme le relève le journal Le Temps:
Pour le président de la commune de Bagnes, Eloi Rossier, «Verbier joue la transparence» en invitant la presse. Mais l’exécutif refuse de publier le rapport des deux experts. Il devrait être rendu public lorsque le conseil général en aura pris connaissance, et seulement «sous certaines conditions». Pourtant, selon le préposé valaisan à la protection des données Sébastien Fanti, «c’est un document officiel» et «il n’y a pas de marge d’interprétation». Il faut le publier. Le juriste de la commune est d’un avis différent: «C’est un document d’information à usage interne».
En second lieu, peut-être est-il utile de relever le non respect du droit cantonal, comme le relève l'interview en décembre du président de commune sur Canal9 (déjà cité ci-dessus) ou plus récemment un article du NF (du vendredi 26 février):
« Et le président de nuancer que ces réalisations en sous-sol « n'ont aucun impact sur le paysage et le voisinage. » Mais ces constructions ne demeurent pas moins non conformes au droit cantonal.
Enfin, en dernier lieu, il convient d'identifier la différence de traitement qui semble prévaloir entre habitants de la région et étrangers si l'on en croit Monsieur Léonard Bender dans le journal Le Temps.
Peu à l’aise, l’architecte finit par lâcher: «Il y a un traitement pour les riches étrangers qui veulent une résidence secondaire, et un autre, plus sévère, pour les habitants de la région.»   
Certes, me direz-vous... Mais des fonctionnements peu adéquats et des principes en incohérence avec le respect de l'Etat de droit peuvent-ils à eux seuls légitimer le fait que nous sommes confrontés à un système ? Intéressons-nous donc à l'existence hypothétique de pratiques permettant de constater l'existence d'un système.

À ce titre, il convient de relever en premier lieu les révélations du Nouvelliste sur quinze dossiers liés à des chalets de luxe sur Verbier ayant conduit la commune à mandater un rapport d'experts indépendants (Article Nouvelliste).

Sur ce point, rappelons que le rapport d'experts (Article du Temps) est parvenu au constat suivant:
Accompagné d’un avocat, il a été mandaté pour analyser quinze dossiers autorisés par le service des constructions, surtout des chalets luxueux installés à Verbier. Il y a relevé cinquante infractions à différentes lois. Parfois, le même bâtiment transgresse six règlements simultanément: «Au mieux, c’est une chambre supplémentaire, au pire, ce sont plusieurs centaines de mètres carrés qui ont été construits illégalement.»
En second lieu, il nous faut admettre que l'1Dex est particulièrement loquace en identifiant deux situations différentes dans lesquelles, des pratiques inadéquates semblent devenues la norme:

  • La première concerne l'octroi du label Minergie : Source
  • La seconde concerne le calcul de la densité constructible (bien que là on puisse admettre qu'un assouplissement aura sans doute lieu dans le courant des prochaines années au vue de la politique fédérale en la matière) : Source 2

Pourtant peut-on parler d'un système? Car même si nous avons évoqué des acteurs au fonctionnement peu adéquat, des principes bafouant l'Etat de droit et des pratiques douteuses voire illégales, peut-être ne s'agit-il encore ici que de malencontreux hasards et que tous ces éléments ne sont pas organisés entre eux? Pour ce faire, il convient de définir si les acteurs propres au système sont susceptibles d'avoir connaissance des différents éléments qui le composent et d'influer sur les processus décisionnels?

À ce titre, il convient de relever tout d'abord l'avis de plusieurs personnes proches du dossier sceptiques ou tout bonnement opposées à cette conclusion.

Tout d'abord l'un des experts mandatés pour traiter des quinze cas litigieux soumis à son analyse et tous victimes d'infractions (Source):
En l’état, «aucun élément n’apporte la preuve d’une malversation organisée» selon l’expert Léonard Bender.
Ensuite, le président de commune qui semble convaincu que le Conseil Communal n'a rien à se reprocher et n'a donc pas joué un rôle prépondérant dans le dossier des constructions litigieuses (Source):
Le président Eloi Rossier reste «convaincu de la bonne foi et de l’intégrité du conseil communal». Pour lui, le système de milice touche ici à ses limites: «Il induit des oublis, des maladresses et des négligences».
Compte tenu, de ces prises de position, il convient de questionner les deux intéressés:

  • Comment des infractions de l'ampleur de celles évoquées en conférence de presse ont-t-elles pu être commises sans la participation de tiers (promoteurs immobiliers, maîtres d’œuvre, administration communale), sans l'existence d'un système?
  • À partir de combien de dossiers en infractions parle-t-on d'une malversation organisée? Les autorités communales entendent-t-elles poursuivre des investigations au-delà de la quinzaine de cas étudiés jusqu'ici? Si non, doit-on comprendre que les autorités en question renoncent à dresser un état des lieux de la construction à Bagnes et sont donc prêtes à s'exposer à d'autres « affaires » à l'avenir compte tenu que pour l'heure 100% des dossiers analysés ont été jugés non conformes?

Vu que de l'avis même du président de commune : « La commune de Bagnes délivre 400 autorisations de construire chaque année, et seuls les quinze cas dénoncés ont été étudiés. Maussade, son président admet que d’autres dossiers «pourraient potentiellement être entachés d’irrégularités» Source

  • Si comme le prétend Monsieur Léonard Bender, la police des constructions applique deux poids deux mesures entre chalets de riches étrangers et habitations d'autochtones, de quelle crédibilité dispose encore le personnel employé dans ce service? Le président de commune envisage-t-il d'entendre les conseillers, collaborateurs mis en cause et, si ces faits sont prouvés, de se séparer de conseillers, collaborateurs ayant trahi la confiance que les citoyennes et citoyens bagnards avaient placé en eux?
  • Peut-on exclure que les conseillers mis en cause par l'1Dex et le temps n'ont pas été influencés par leurs intérêts privés? Ces derniers ont-t-ils été appelés à un moment ou à un autre à se récuser? Les autorités communales prévoient-t-elles d'édicter des recommandations ou des règles en matière de récusation?
Pierre Troillet

4 commentaires:

  1. Un habitant de Bagnesjeudi, 03 mars, 2016

    Ah parce qu'il y en a qui en doutait? Il est temps qu'une nouvelle force politique fasse son entrée sur la scène politique bagnarde!

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  2. Je suis vraiment pas fier pour ma commune...

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  3. Vous pensez comme moi..... un coup de torchon s'impose rapidement !

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  4. Tout ceci est un vaste gag...

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